La présidence du Bolivien Evo Morales, ancien syndicaliste et l'un des porte-drapeau de la gauche radicale d'Amérique latine, s'enlise dans des conflits sociaux aux objectifs politiques contradictoires risquant de l'affaiblir à l'horizon de l'élection de 2014, selon les experts.

«Le gouvernement et le Président ne sont plus maîtres des mouvements sociaux, ils en sont devenus les prisonniers», estime Carlos Toranzo, un analyste indépendant.

Le gouvernement a dû affronter mercredi une nouvelle grève générale de 72 heures de la Confédération centrale ouvrière bolivienne (COB) avec des manifestations dans plusieurs villes, sans toutefois parvenir à bloquer l'activité du pays.

Plusieurs milliers de manifestants, mineurs, étudiants en médecine, personnel de santé ont affronté la police qui a risposté à coup de gaz lacrymogène.

Des manifestations ont également été organisées à Tarija (sud) et Potosi (sud-est), Santa Cruz (est) et Beni (nord-est).

«Le président a déjà dû reculer sur plusieurs conflits sociaux depuis son arrivée à la présidence en 2006», indique M. Toranzo à l'AFP. Evo Morales «a utilisé à outrance la pédagogie de la rue qui a suscité trop d'expectatives dans le pays. Maintenant, cela se retourne contre lui», dit-il.

Les grévistes exigent une hausse des salaires et jugent insuffisante l'augmentation générale de 8% proposée par le gouvernement. Ils soutiennent également le mouvement des médecins mobilisés depuis la fin mars contre l'augmentation de six à huit heures de leur temps de travail quotidien décidé unilatéralement par le gouvernement.

La COB conditionne l'ouverture de négociations à l'abrogation de cette loi relative à la journée de travail des médecins.

Ce mouvement social fait suite à 48 heures d'arrêt de travail des chauffeurs des transports urbains qui ont paralysé la capitale en début de semaine, officiellement pour protester contre une nouvelle loi les obligeant à utiliser la ceinture de sécurité dans leurs véhicules, et à respecter désormais des horaires et des arrêts.

Mais cette grève n'est pas exempte d'arrière-pensées politiques, selon Arturo Quispe, président d'une Fédération regroupant les quartiers de La Paz qui estime qu'elle visait essentiellement le maire de la capitale, Luis Revilla, un des responsables du parti d'opposition MSM (Movimiento Sin Miedo - centre gauche), dont le leader est Juan del Granado, ancien allié du président.

Les grévistes des transports seraient eux proches du parti d'Evo Morales, Movimiento al Socialismo (MAS) et comptent sur le soutien de plusieurs parlementaires proches du président qui veulent nuire au MSM.

Le leader du MSM, Del Granado, est considéré comme un candidat sérieux à la présidence pour les élections générales de 2014.

Pour le politologue Gonzalo Rojas de l'Université de La Paz, il n'y a pas cependant «d'opposition cohérente qui pourrait capitaliser sur l'usure du gouvernement».

Ces «conflits localisés n'affectent pas la stabilité du régime parce qu'il n'y a pas vraiment une opposition politique mais sociale. Cependant elle affecte la gestion du gouvernement et démontre son inefficacité administrative», analyse-t-il.

Evo Morales, le premier président amérindien (aymara) de Bolivie, est arrivé au pouvoir en 2006 puis réélu en 2011 triomphalement avec 64% des voix, appuyé par les secteurs les plus humbles de la population.

Il a toutefois subi un déclin de popularité marqué ces derniers mois avec la multiplication des conflits sociaux, qui ont vu défiler ces dernières semaines instituteurs, mineurs et Indiens d'Amazonie.