(Bogotá) Les États-Unis et la Colombie ont affiché un front uni lundi dans la lutte contre la drogue, fléau qui embrase les deux pays, malgré des divergences d’approches entre Washington et Bogotá, le nouveau président de gauche Gustavo Petro dénonçant l’« échec de la guerre contre la drogue ».

Arrivé lundi à Bogotá dans le cadre d’une tournée en Amérique latine, le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est entretenu avec le président Petro au palais Casa Narino au cours duquel il a multiplié les marques de sympathie pour les efforts menés par la Colombie dans sa guerre contre les narcotrafiquants.

« Nous soutenons fermement l’approche holistique prise par l’administration Petro », a affirmé M. Blinken lors d’une conférence de presse conjointe, ajoutant que les deux pays avaient eu « de nombreux points de convergence ».

« Approche globale »

« Nous sommes sur la même longueur d’onde tant en ce qui concerne le maintien de l’ordre qu’en ce qui concerne cette approche plus globale », a-t-il assuré alors que le président Petro a insisté sur l’échec de la « politique de répression » menée jusqu’à alors et prônant une approche « compréhensive » axée notamment sur la réforme agraire.

Ce programme d’achat de terres fertiles pour les redistribuer est estimé entre « 7 à 14 milliards de dollars », a-t-il dit.

« La paix aujourd’hui aura un impact positif si nous menons la guerre contre la drogue différemment », a encore dit le président colombien en souhaitant ne plus poursuivre les petits paysans, mais au contraire traquer les narcos qui ne sont pas « en tenue de camouflage ou fusil à la main » mais se terrent plutôt « à Bogotá, Medellín… New York ou encore Madrid ».

Il a aussi appelé les États-Unis à renforcer leur coopération dans le domaine du renseignement et en ce qui concerne la protection des zones maritimes autour de la Colombie.

La Colombie est un allié traditionnel des États-Unis sur le continent sud-américain et les responsables américains insistaient en privé sur les échanges « très productifs » ces derniers mois avec le nouveau président désigné à l’été premier chef de l’État de gauche de l’histoire de la Colombie.

Le chef de la diplomatie américaine s’était rendu une première fois en Colombie il y a un an et a réaffirmé lundi le « partenaire vital » qu’était ce pays pour les États-Unis.

MM. Petro et Blinken ont abordé une série de sujets dont « l’appui à la paix et à la réconciliation dans le pays », fracturé par des décennies de guerre civile, la lutte contre la migration illégale, ainsi que la crise climatique.

« Travailler ensemble »

Washington loue en outre la politique d’accueil envers les migrants vénézuéliens mise en place par le gouvernement conservateur sortant.

C’est sans aucun doute sur le thème du narcotrafic que les discussions ont été les plus serrées, le président Petro n’ayant de cesse de souligner « l’échec de la guerre irrationnelle contre les drogues », comme lors de son récent discours devant l’assemblée générale de l’ONU à New York.

Mais les deux parties ont minimisé leurs divergences y compris sur la nouvelle politique d’extradition qu’entend mener le président Petro.

Interrogé sur ce point, le chef de la diplomatie américaine a répondu que cela faisait partie « des outils à notre disposition » pour combattre les narcos, mais que les États-Unis et la Colombie continueraient « de travailler ensemble ».         

La Colombie est le premier producteur mondial de cocaïne, et les États-Unis est son principal marché.

M. Blinken a également visité en plein cœur de Bogotá le mémorial « Fragmentos » érigé à la mémoire des victimes de la guerre civile. Le sol du Mémorial est recouvert de tuiles venant de la fonte d’armes utilisées pendant la guerre.

Le déplacement de M. Blinken en Amérique latine intervient alors que les États-Unis sont parfois accusés de négliger leurs partenaires du Sud, avec la guerre en Ukraine et la priorité américaine en Asie pour contenir l’expansion de la puissance chinoise.

Après Bogotá, le chef de la diplomatie américaine se rendra à Santiago mercredi, où il rencontrera le président chilien de gauche de 36 ans, Gabriel Boric, qui a pris ses fonctions en mars.

Le secrétaire d’État se rendra enfin à Lima jeudi et vendredi, notamment pour participer à l’Assemblée générale annuelle de l’Organisation des États américains (OEA) et y rencontrer le président de la gauche radicale au Pérou, Pedro Castillo, visé depuis son arrivée au pouvoir il y a un peu plus d’un an par plusieurs enquêtes pour corruption et trafic d’influence.