Je cite un extrait de l'autobiographie de Barack Obama, Les rêves de mon père (Presses de la Cité), qui donne une idée de la personnalité de Madelyn Dunham, la grand-mère du candidat démocrate. On sait que le sénateur de l'Illinois a annulé ses activités électorales de jeudi et vendredi pour se rendre au chevet de celle qu'il appelait Toot et qui l'a élevé durant une bonne partie de sa jeunesse :

Je commençais à avoir l'habitude de ce genre de dialogues entre mes grands-parents, car leurs disputes suivaient un schéma bien rodé, un schéma qui trouvait sa source dans le fait, rarement évoqué, que Toot gagnait plus que Gramps. En effet, première femme vice-présidente d'une banque de la région, ma grand-mère était une sorte de pionnière, et même si Gramps répétait volontiers qu'il l'avait toujours soutenue au cours de sa carrière, son travail était devenu un sujet sensible, une source d'amertume, car les commissions qu'il touchait contribuaient de moins en moins à faire bouillir la marmite familiale.

Pourtant, Toot n'avait pas anticipé sa réussite. N'ayant pas fait d'études supérieures, elle avait commencé à travailler comme secrétaire pour participer aux frais de ma naissance inattendue. Mais elle avait l'esprit vif et du bon sens, et c'était une travailleuse. Elle avait lentement grimpé les échelons, jusqu'à atteindre le seuil où la compétence ne suffisait plus. Elle y resta bloquée pendant vingt ans, prenant peu de vacances, assistant à l'ascension de ses homologues masculins, qui prenaient par-dessus la jambe des informations échangées sur le terrain de golf, entre le neuvième trou et le club-house, tout en amassant de confortables revenus.

Plus d'une fois, ma mère s'indigna du sexisme évident de cette banque et pressa Toot de faire quelque chose. Ma grand-mère balayait ses remarques d'un revers de main, en répondant que tout le monde avait toujours une bonne raison de se plaindre. Elle ne se plaignait pas, elle.