L'accusation a demandé la peine maximale de 10 ans de prison mercredi contre l'ancien dictateur du Panama, Manuel Noriega, jugé à Paris pour blanchiment d'argent de la drogue, à l'issue d'un réquisitoire évoquant une «organisation structurée dans l'intérêt d'un homme».

Le jugement a été mis en délibéré au 7 juillet.

Extradé le 26 avril par les États-Unis après 20 ans dans une prison de Miami pour trafic de drogue, Manuel Noriega, âgé de 76 ans, comparaissait depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour le blanchiment en France d'environ 2,3 millions d'euros issus du trafic de drogue.

«Il faut retenir l'image d'une organisation parfaitement structurée aux mains d'un homme et dans l'intérêt d'un homme Manuel Noriega», a dit le procureur Michel Maes qui a demandé la confiscation des sommes placées sur les comptes français de celui qui a dirigé de facto le Panama de 1981 à 1989.

Le rôle de Manuel Noriega a été «simple et clair, il s'agissait d'apporter sa protection au transport régulier de la drogue et au transfert d'argent» provenant d'un «trafic intimement lié au cartel de Medellin».

Les fonds engrangés au Panama par ce trafic transitaient, selon l'accusation, par des comptes en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suisse pour finir en France, notamment sur des comptes du CIC, de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI) et BNP-Paribas.

«Ses fonctions de chef d'État lui ont permis de détourner les moyens de la puissance publique panaméenne pour son intérêt personnel», a dit le procureur, excluant qu'il bénéficie de l'immunité de chef d'État réclamée par la défense.

Le procureur a écarté les affirmations de M. Noriega sur l'origine des fonds placés en France estimant que ses «explications ne sont appuyées par aucun justificatif».

L'ancien général, qui souffre d'hémiplégie et d'hypertension, s'est défendu en expliquant qu'il s'agissait de revenus provenant d'entreprises dont il était actionnaire majoritaire, d'héritage familial ou de versements des services secrets américains (CIA) qui l'ont recruté dans les années 70.

Petit, trapu, le visage grélé - ce qui lui vaut le surnom de «face d'ananas» -  il a dénoncé mardi un «montage bancaire et financier imaginaire» orchestré par les États-Unis.

Longtemps allié des États-Unis pendant la Guerre froide, le dictateur de ce pays d'Amérique centrale était tombé en disgrâce à Washington pour son implication dans un trafic de stupéfiants. Il avait été renversé puis capturé en 1989 lors de l'opération militaire américaine contre le Panama ordonnée par le président George Bush père.

Ses avocats ont dénoncé les réquisitions.

«C'est la perpétuité réelle, la mort en prison qui est requise aujourd'hui», s'est étranglé Me Yves Leberquier. «Le ministère public agit dans l'intérêt des Américains», a-t-il accusé.

Relevant, «l'absence de preuve montrant que les fonds proviennent de stupéfiants», Me Olivier Metzner a appelé le tribunal à se pencher sur «les dessous qu'(il) ne voit pas dans le dossier».

Manuel Noriega a été condamné par contumace à Paris le 1er juillet 1999 à dix ans de prison pour blanchiment et à une amende de 13,5 millions d'euros. Il a depuis fait appel de ce jugement, ce qui explique ce second procès.

Le Panama réclame aussi l'extradition de l'ancien général, condamné dans son propre pays à 54 ans de prison pour son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants politiques entre 1968 et 1989. L'avocat de cet État, Me Yves Baudelot, réclame 16 millions d'euros pour préjudice moral, plus 11 millions d'euros de préjudice matériel.