Le conflit entre la Géorgie et la Russie continue de dégénérer. Le gouvernement géorgien a affirmé hier avoir décrété un cessez-le-feu, mais Moscou a fait la sourde oreille et poursuivi tant ses bombardements que son offensive terrestre.

Dans le but de trouver une solution à la crise, on a par ailleurs annoncé l'envoi du président français Nicolas Sarkozy à Moscou au cours des prochains jours, en tant que médiateur.

C'est que la communauté internationale continue de se démener pour freiner

l'escalade provoquée, jeudi dernier, par l'envoi de troupes géorgiennes en Ossétie-du-Sud, territoire séparatiste de la Géorgie que Moscou avait pris sous son aile.

Le temps presse. La Russie a été prise au dépourvu au début, mais sa riposte est musclée. Tellement que le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, a fait comprendre hier qu'il jetait l'éponge.

«Nous ne sommes pas fous. Nous n'avons absolument aucun intérêt à poursuivre les hostilités», a-t-il dit sur les ondes du réseau CNN. Le bras de fer entre son pays et la Russie est à son avis perdu d'avance.

Le secrétaire du Conseil de sécurité géorgien, Alexandre Lomaïa, a ainsi annoncé le retrait de ses troupes de « presque toute » la région séparatiste pro-russe. « En signe de bonne volonté et de notre désir d'arrêter l'affrontement militaire », a-t-il déclaré.

Washington hausse le ton

La Russie n'a pourtant pas jeté de lest. Au contraire. Elle s'est d'abord emparée de la capitale de l'Ossétie-du-Sud, Tskhinvali, désertée par les forces géorgiennes.

Les troupes terrestres russes ont ensuite continué leur route et traversé l'Ossétie-du-Sud pour s'enfoncer encore un peu plus en Géorgie. Elles seraient actuellement aux portes de Gori, ville natale de Staline. Celle-ci subirait des attaques massives de l'artillerie et de l'aviation russes, a affirmé le gouvernement géorgien la nuit dernière.

Des bombardements ont même été signalés hier à proximité de la capitale de la Géorgie, Tbilissi. L'un aurait visé une base militaire; l'autre, l'aéroport de la capitale. Les forces russes ont aussi imposé un blocus maritime en expédiant des navires de guerre au large de la Géorgie afin de l'isoler. Ils ont coulé une vedette lance-missiles géorgienne.

L'escalade a poussé les États-Unis à hausser le ton. Ils ont accusé la Russie de vouloir renverser le président de la Géorgie, pro-occidental, qui est une véritable épine au pied de Moscou.

«C'est complètement inacceptable et ça dépasse les bornes», a lancé hier l'ambassadeur des États-Unis à l'ONU, Zalmay Khalilzad, qui a fait ses classes en Afghanistan et en Irak. Il répliquait au ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, qui aurait dit que le président géorgien «devait partir».

«Ce n'est pas impossible», a estimé Jacques Lévesque, spécialiste de la Russie à l'UQAM. «Les Russes disent effectivement depuis deux ans qu'il n'y a rien à faire avec le régime actuel en Géorgie. Le renverser, ce serait leur objectif maximal. Mais ils risquent de s'engager dans des complications internationales majeures»

Sarkozy optimiste

M. Lévesque juge que le président géorgien a joué son va-tout et qu'il a perdu son pari. «Il a pensé faire un coup rapide et estimé qu'une action russe vigoureuse serait dissuadée par une action américaine très forte», a expliqué l'expert.

Selon lui, M. Saakachvili a décidé de battre en retraite lorsqu'il s'est rendu compte que les États-Unis, précieux alliés de la Géorgie, ont répliqué «très mollement» à la Russie. Jamais ils n'ont brandi, par exemple, la menace de sanctions économiques envers Moscou.

La Maison-Blanche a indiqué hier que l'attitude des Russes à la suite du retrait géorgien sera considérée comme «un test». Et que la guerre pourrait avoir un impact important sur ses liens avec la Russie. La veille, l'Union européenne avait tenu un discours similaire en déclarant que la poursuite de cette offensive russe nuirait à sa relation avec Moscou.

C'est la France qui exerce actuellement la présidence de l'Union européenne. Le président Sarkozy, qui s'envolera sous peu pour Moscou afin d'agir à titre de médiateur, s'est montré optimiste.

«Il existe désormais de réelles perspectives pour parvenir rapidement à une sortie de crise», a-t-il dit hier, dans la foulée du repli de la Géorgie.

Lors d'une rencontre avec le président géorgien, hier, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a présenté un plan de paix en trois points soutenu par l'UE: respect de l'intégrité territoriale de la Géorgie, cessation immédiate des hostilités et rétablissement de la situation antérieure sur le terrain.

«Notre tâche est claire: Il faut trouver des moyens pour un cessez-le-feu immédiat, accepté par les deux côtés, a déclaré M. Kouchner à l'issue de la rencontre. Il faut faire vite, ce n'est pas un exercice diplomatique, c'est un exercice de survie.»

Pour l'instant, la Géorgie cherche tant bien que mal à faire face aux événements. Hier, elle a rapatrié quelque 1000 militaires d'Irak. Ils seront déployés sur le terrain pour affronter les troupes de Moscou.

Il est par ailleurs jusqu'ici difficile d'obtenir des chiffres clairs au sujet des victimes de ce conflit armé. Les Russes affirment que plus de 2000 personnes ont été tuées en Ossétie-du-Sud depuis jeudi. En Géorgie, le gouvernement parle de 92 morts, dont 40 civils. Deux journalistes russes ont été tués.

Les déplacements de population sont d'ores et déjà massifs: 30 000 personnes auraient quitté l'Ossétie-du-Sud et 10 000 auraient fui la Géorgie.

Avec Agence France-Presse et Associated Press