La vie de Clare est un gâchis. Son mari l’a mise dehors, sa fille la déteste, et elle va bientôt perdre son boulot. En plus d’accumuler les conneries. Or voilà qu’un vieil ami lui offre une mission improbable : répondre à un courrier des lecteurs. Pardon ?

Plus mal placée pour donner des conseils, tu meurs. Loufoque au cube, la série Tiny Beautiful Things, mettant en vedette Kathryn Hahn en Clare quadragénaire ébouriffée (et Sarah Pidgeon en Clare dans la jeune vingtaine brisée) qui arrive sur Disney+ vendredi, est surtout un petit bijou d’émotions, d’humour cinglant, mais aussi de philosophie.

« Qu’est-ce que je me dirais, si je me rencontrais à 20 ans ? », « Pourquoi je ne suis pas la personne que je rêvais d’être ? », « Qu’ai-je fait de ma vie, finalement ? »

Si vous êtes amateur de courriers des lecteurs, sans doute ces questions vous sont-elles familières. C’est qu’elles sont tirées de la rubrique Dear Sugar, publiée à partir de 2010 dans le journal littéraire The Rumpus, rassemblée sous la forme de recueil en 2012 (Tiny Beautiful Things : Advice on Love and Life from Dear Sugar).

Je n’avais aucune idée qu’incarner Sugar serait une partie aussi importante de ma vie…

Cheryl Strayed, autrice

La plume derrière ces conseils lumineux, ancrés dans un vécu senti et bouleversant de vérité : Cheryl Strayed, celle à qui l’on doit déjà le puissant roman autobiographique Wild, sur sa randonnée en solitaire et en quête d’elle-même sur le Pacific Crest Trail (1700 km), un récit poignant adapté au cinéma en 2014 par Jean-Marc Vallée, disparu à la fin de 2021. « Vous êtes de Montréal, comme mon très cher Jean-Marc Vallée, mon frère », nous interrompt d’ailleurs l’autrice en pleine entrevue, les mains sur le cœur, dans le cadre d’une rencontre de presse virtuelle, la semaine dernière.

« Inspirante dans son authenticité »

Cheryl Strayed ne cache pas que le personnage de Clare tient beaucoup d’elle. Mais évidemment pas tout. Son mariage, sa relation avec sa fille, elle aujourd’hui, quoi, « ce n’est pas moi », précise-t-elle. « Mais il fallait qu’elle ait vécu toutes les expériences formatives que j’ai vécues. Tout ce qui fait que je suis qui je suis. » À savoir : la perte de sa mère d’un cancer, un père absent, une enfance dans la pauvreté, et un mariage trop jeune. « Et sur ce plan, c’est incroyablement autobiographique. »

IMAGE FOURNIE PAR DISNEY+

Merritt Wever (à gauche) incarne la mère morte de Clare (Kathryn Hahn).

Le titre de la série de huit épisodes de 30 minutes (Tiny Beautiful Things) est aussi le même que son recueil de chroniques. Il évoque d’ailleurs un souvenir pénible. « Quand j’étais au plus bas, en deuil de ma mère, je me suis mise à prendre de l’héroïne, confie Cheryl Strayed à la caméra. Je me sentais comme une moins que rien. » Un jour, une petite fille monte dans un bus et lui tend gentiment un ballon à l’hélium. « Je ne l’ai pas pris, se souvient-elle. J’avais l’impression que je n’y avais pas droit. Que je ne méritais pas cette petite joie... »

« Elle nous comprend (she gets you) ! », enchaîne avec enthousiasme la créatrice et productrice déléguée Liz Tigelaar (aux côtés de Reese Witherspoon, entre autres), admiratrice assumée de Cheryl Strayed.

Elle nous bouleverse avec ses mots !

Liz Tigelaar, créatrice de la série, à propos de Cheryl Strayed

C’est précisément pourquoi côté scénario, Liz Tigelaar a choisi de partir des questions des lecteurs, non pas pour raconter leur vie à eux, mais plutôt pour inviter sa Clare à revisiter la sienne. « Par respect envers l’histoire de Cheryl, explique-t-elle, j’ai voulu raconter son histoire, sous la forme de mémoires non linéaires. »

« Et si Cheryl n’avait jamais fait cette randonnée sur le Pacific Crest Trail, et si elle n’était pas devenue écrivaine, qu’est-ce qu’elle ferait ? […] J’avais l’intuition qu’il y avait là de la matière riche à exploiter. »

Et comment : on vous met au défi de regarder un seul épisode sans rire aux larmes, ou pleurer tout court…

Il faut dire qu’il y a quelque chose d’attachant et de rafraîchissant dans le personnage de cette femme quadragénaire, bourrée de contradictions et d’imperfections. Elle boit, elle crie, elle sacre. Beaucoup. Elle gaffe sans arrêt. Mais elle est vraie. Avec ses rides et ses maladresses. « Il n’y a aucun vernis à son histoire, confirme Liz Tigelaar. Elle est inspirante dans son authenticité. »

Un fait rare dans l’univers archifiltré qu’on connaît. « C’est fou toute l’attention que les femmes reçoivent aujourd’hui quand elles jouent des femmes qui ont l’air d’être des vraies femmes, se félicite aussi la productrice. Ça en dit long sur les portraits qu’on a mis à l’écran jusqu’ici… »

Sur Disney+ dès le 7 avril