Il y a plus de 10 ans, le bitcoin a été conçu comme un « or numérique », une réserve de valeur à long terme qui résisterait aux tendances économiques générales et constituerait une protection contre l’inflation.

Mais l’effondrement du cours du bitcoin au cours du mois dernier montre que cette vision est loin d’être une réalité. Au lieu de cela, les opérateurs de marché traitent de plus en plus la cryptomonnaie comme un simple investissement technologique spéculatif de plus.

Depuis le début de l’année, l’évolution du cours du bitcoin a étroitement reflété celle du NASDAQ, un indice de référence fortement pondéré par les valeurs technologiques, selon une analyse de la société de données Arcane Research. Cela signifie que lorsque le prix du bitcoin a baissé de plus de 25 % au cours du mois dernier, pour passer sous la barre des 30 000 $ US mercredi, soit moins de la moitié de son pic de novembre, le plongeon a suivi de près l’effondrement général des valeurs technologiques, les investisseurs étant aux prises avec des taux d’intérêt plus élevés et la guerre en Ukraine.

Cette corrélation croissante explique pourquoi ceux qui ont acheté la cryptomonnaie l’année dernière, dans l’espoir qu’elle prenne de la valeur, ont vu leur investissement s’effondrer. Et si le bitcoin a toujours été volatil, sa ressemblance croissante avec les valeurs technologiques risquées montre clairement que sa promesse d’actif transformateur n’est toujours pas tenue.

« Cela délégitime l’argument selon lequel le bitcoin est comme l’or, a déclaré Vetle Lunde, analyste chez Arcane. Les preuves plaident en faveur du fait que le bitcoin est simplement un actif à risque. »

Arcane Research a attribué un score numérique entre 1 et - 1 pour capturer la corrélation de prix entre le bitcoin et le NASDAQ. Un score de 1 indique une corrélation exacte, ce qui signifie que les prix ont évolué en tandem, et un score de -1 représente une divergence exacte.

Depuis le 1er janvier, la moyenne sur 30 jours du score bitcoin-NASDAQ s’est rapprochée de 1, atteignant 0,82 cette semaine, soit le score le plus proche d’une corrélation exacte de 1 pour 1. Dans le même temps, l’évolution du prix du bitcoin s’est écartée des fluctuations du prix de l’or, l’actif auquel il a été le plus souvent comparé.

La convergence avec le NASDAQ s’est accentuée au cours de la pandémie de coronavirus, en partie sous l’impulsion d’investisseurs institutionnels tels que des fonds spéculatifs, des fonds de dotation et des bureaux de gestion de patrimoine qui ont injecté des fonds sur le marché des cryptomonnaies.

Contrairement aux idéalistes qui ont suscité l’enthousiasme initial pour le bitcoin dans les années 2010, ces opérateurs de marché professionnels considèrent la cryptomonnaie comme faisant partie d’un portefeuille plus large d’investissements technologiques à haut risque et à forte rémunération. Certains d’entre eux sont soumis à la pression de garantir des rendements à court terme pour leurs clients et sont moins engagés idéologiquement envers le potentiel à long terme du bitcoin. Et lorsqu’ils perdent confiance dans l’industrie technologique au sens large, cela affecte leurs transactions en bitcoins.

« Il y a cinq ans, les gens qui étaient dans la crypto étaient des gens de la crypto », affirme Mike Boroughs, fondateur du fonds d’investissement de la chaîne de blocs Fortis Digital. « Maintenant, vous avez des gars qui sont sur toute la gamme des actifs à risque. Donc, quand ils sont touchés là-bas, cela a un impact sur leur psychologie. »

Les inquiétudes sur le marché boursier – touché par des tendances économiques difficiles, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les niveaux historiques de l’inflation – se sont particulièrement manifestées dans la chute des valeurs technologiques cette année. Meta, la société anciennement connue sous le nom de Facebook, a perdu plus de 40 % cette année. Netflix a perdu 70 % de sa valeur.

Mercredi, les actions de Coinbase, la Bourse de cryptomonnaie, ont plongé de 26 % après avoir annoncé une baisse des revenus et une perte de 430 millions de dollars au premier trimestre. L’action de la société a globalement baissé de plus de 75 % cette année.

Le NASDAQ est déjà en territoire de marché baissier, ayant terminé mercredi en baisse de 29 % par rapport à son record de la mi-novembre. C’est également en novembre que le prix du bitcoin a atteint un pic de près de 70 000 $. Le crash a été un test de réalité pour les évangélistes du bitcoin.

« Il y avait cette croyance de détail indéniable que le bitcoin à la fin de l’année dernière était une couverture contre l’inflation – c’était une valeur refuge, il allait remplacer le dollar », explique Ed Moya, analyste des cryptomonnaies à la société de commerce OANDA. « Et ce qui s’est passé, c’est que l’inflation a commencé à devenir très vilaine, et le bitcoin a perdu la moitié de sa valeur. »

Les prix d’autres cryptomonnaies ont également été écrasés. Le prix de l’ethereum, au deuxième rang des cryptomonnaies les plus précieuses, a baissé d’environ 25 % juste depuis le début d’avril, pour passer sous la barre des 2300 $. D’autres, comme le solana et le cardano, ont également connu des chutes abruptes cette année.

Le bitcoin a déjà rebondi après des pertes importantes, et sa croissance à long terme reste impressionnante. Avant le boom pandémique des prix des cryptomonnaies, sa valeur oscillait bien en dessous de 10 000 $. Les vrais croyants, qui se qualifient de maximalistes du bitcoin, restent persuadés que la cryptomonnaie finira par rompre avec sa corrélation avec les actifs à risque.

Michael Saylor, PDG de la société d’informatique décisionnelle MicroStrategy, a dépensé des milliards de dollars de son entreprise en bitcoins, constituant un stock de plus de 125 000 pièces. Le cours du bitcoin s’étant effondré, l’action de la société a baissé d’environ 75 % depuis novembre.

Dans un courriel, M. Saylor a imputé cette chute aux « opérateurs de marché et technocrates » qui n’apprécient pas le potentiel à long terme du bitcoin pour transformer le système financier mondial.

« À court terme, le marché sera dominé par ceux qui apprécient moins les vertus du bitcoin », a-t-il déclaré. « Sur le long terme, les maximalistes auront raison, car des milliards de personnes ont besoin de cette solution, et la sensibilisation s’étend à des millions d’autres chaque mois. »

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.

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