Avions de combat dans le ciel, rafales de mitrailleuses lourdes, fumée noire au-dessus du terminal: avec la bataille pour le contrôle de l'aéroport de Donetsk, un point stratégique d'accès à l'Est séparatiste de l'Ukraine, un nouveau front s'est ouvert.

La prise de contrôle de l'aéroport par les rebelles dans la matinée et la réplique à peine quelques heures plus tard de la part de l'armée ukrainienne a amené les combats dans la plus grande ville de la région jusqu'ici épargnée.

Et cela au lendemain de la victoire de Petro Porochenko à l'élection présidentielle anticipée. Le milliardaire pro-occidental a annoncé lundi qu'il poursuivrait l'opération militaire contre les insurgés pour les empêcher de transformer l'Est du pays en «Somalie».

Les échanges de tirs, commencés en début d'après-midi, étaient toujours en cours après 20h00 et les avions de combat continuaient à survoler la zone, créant des scènes de panique dans les quartiers limitrophes.

Des troupes de combattants prorusses continuaient en début de soirée à arriver depuis le centre de Donetsk pour prendre part aux combats, a constaté une journaliste de l'AFP.

En début d'après-midi, tout a commencé par une fumée qui s'élevait dans le ciel, puis des tirs, notamment de mitrailleuse lourde, provenant de l'aéroport.

L'on entend un vrombissement de réacteurs, mais il n'y a pas d'avions de combat visibles dans le ciel. Jusqu'à la confirmation officielle de l'armée ukrainienne: une «opération antiterroriste» contre l'aéroport a été lancée.

Des avions de combat Soukhoï-25 et Mig-29 ont été envoyés sur place. «Des soldats sont parachutés depuis des hélicoptères Mi-8 et sont en train de nettoyer le territoire», indique dans l'après-midi un porte-parole de la cellule régionale chargée de l'opération.

Le principal terminal de l'aéroport a été touché par des tirs d'hélicoptères, constate un journaliste de l'AFP.

Aéroport investi sans violence 

Le site a été pris d'assaut de nuit par plusieurs dizaines d'hommes armés, qui se sont présentés comme des représentants de la «République populaire de Donetsk». Aucune résistance, aucune violence: les insurgés ont demandé aux troupes ukrainiennes qui gardent l'enceinte de partir. Dans la foulée, l'aéroport a été évacué et fermé et tous les vols ont été annulés. Le dernier avion à décoller est parti pour Kiev à 7h00.

Trois camions comptant une centaine d'hommes armés portant des treillis militaires et pour certains le ruban noir et orange de Saint-Georges, symbole de ralliement des rebelles, sont arrivés en renfort dans la matinée, pénétrant dans l'enceinte de l'aéroport, passant sans encombre le cordon de sécurité établi par la police autour de l'aéroport.

«Jusqu'ici, l'aéroport n'était pas sous notre contrôle, mais il fallait changer la situation», puisque «des mercenaires arrivaient sur notre territoire» par ce biais, a expliqué lors d'une conférence de presse Denis Pouchiline, l'un des leaders des séparatistes à Donetsk.

La venue annoncée de M. Porochenko dans le Donbass ? Un président «illégitime», selon les séparatistes, qui réclament toujours le retrait des troupes ukrainiennes de «leurs terres» et ont proclamé la loi martiale dans la région.

«Les gens d'ici ne veulent pas voir Porochenko»

«La situation s'aggrave sur le terrain. Ce n'est pas très intelligent de la part de Porochenko de vouloir venir car les gens d'ici ne veulent pas le voir», a estimé M. Pouchiline, qui a reconnu que des combattants tchétchènes avaient rejoint les troupes des séparatistes.

«Un dialogue (avec Kiev, ndlr) est possible mais seulement en présence de médiateurs, et le seul médiateur possible est la Russie», a-t-il également expliqué, tout en posant deux conditions: l'échange des prisonniers et le retrait des troupes ukrainiennes du Donbass.

Dans les rues de Donetsk, les fidèles soutiens des rebelles faisaient peu de cas de l'élection d'un nouveau président.

«Les gens de Kiev, qui ont tué d'innocents citoyens dans le sud et l'est du pays, peu importe qui ils choisissent maintenant comme président. Cela ne nous intéresse pas, nous n'avons plus rien à faire avec eux. Maintenant, nous avons notre jeune république populaire de Donetsk», s'enflamme Galina, qui distribue les journaux devant le bâtiment de l'administration régionale, tenu par les rebelles.

Et pour la première fois depuis le début de l'insurrection dans cette région, dans certaines entreprises dont plusieurs tenues par l'oligarque Rinat Akhmetov, l'homme le plus riche d'Ukraine, les employés ont été priés de rester chez eux.