La guerre lancée par Israël dans la bande de Gaza, il y a un an, a donné lieu à des violations du droit humanitaire international. De part et d'autre. C'est ce que conclut la commission d'enquête indépendante mise sur pied par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies. Cinq questions pour comprendre.

Q: Qui est écorché par le rapport?

R: Tant l'armée israélienne que les groupes armés palestiniens ont commis de «possibles crimes de guerre», affirme la commission d'enquête indépendante, dont le rapport, rendu public hier, énumère les violations les plus graves sur la base de 280 entretiens et 500 témoignages écrits. Elle déplore principalement que des civils aient été pris pour cibles par les deux parties, relevant notamment qu'Israël a bombardé avec précision des zones résidentielles et densément peuplées, tandis que des groupes palestiniens ont lancé des roquettes dépourvues de système de guidage sur des villages israéliens. La commission mentionne également l'exécution «extrajudiciaire» par les Brigades al-Qassam de 21 «collaborateurs» allégués, soulignant qu'il s'agit d'une violation des Conventions de Genève.



Q: Pourquoi s'agit-il de «possibles» crimes de guerre?

R: «Une commission d'enquête comme ça, qui ne poursuit pas de but d'incrimination pénale, n'a pas à qualifier les faits», explique Julia Grignon, professeure de droit international à l'Université Laval. «C'est une commission d'établissement des faits», nuance-t-elle, estimant que sa crédibilité s'en trouve ainsi renforcée. «Ça montre bien que cette commission est consciente de ses limites et qu'elle joue sur son terrain», laissant à d'autres instances le soin de qualifier les faits qu'elle expose. La commission affirme d'ailleurs d'emblée, dans l'introduction de son rapport, qu'elle a rapporté les faits qu'elle avait des «motifs raisonnables» de croire, ce qui est une «exigence inférieure à ce qui est requis lors de procès criminels».

Q: Comment le rapport a-t-il été accueilli par les principaux concernés?

R: «Israël ne commet pas de crimes de guerre», a indiqué le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui a dénoncé «un rapport partial». L'État hébreu avait publié huit jours plus tôt son propre rapport sur l'opération Bordure protectrice, dans lequel il concluait ne pas avoir commis de crimes de guerre l'été dernier à Gaza. Pour sa part, le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, s'est réjoui de la «condamnation» de «l'occupant sioniste», mais n'a pas réagi aux reproches formulés à l'égard des groupes armés palestiniens. L'Organisation de libération de la Palestine a cependant assuré que les Palestiniens étaient prêts à faire face aux accusations les concernant.

Q: Quel impact le rapport aura-t-il?

R: «Sur le terrain, je ne crois pas que ça ait un retentissement flagrant», concède la professeure Julia Grignon, qui souligne que les faits qui y sont mentionnés étaient pour la plupart déjà connus. Elle y voit plutôt un «outil d'alerte de l'opinion publique» qui n'est pas sans influence. Israël ne nie pas avoir fait ce que le rapport relève, il affirme l'avoir fait «en respect du droit», constate-t-elle. Cela lui fait dire que «c'est bien la preuve que ça a un impact, parce que ça les oblige à se justifier». «C'est une lente marche vers une amélioration du respect des droits humains, qui est un combat difficile, mais je crois que c'est une petite pierre dans ce grand édifice-là.»

Q: Le rapport peut-il servir à la Cour pénale internationale?

R: La publication de ce rapport survient à quelques jours du dépôt d'un dossier à la Cour pénale internationale (CPI) par la Palestine, qui en est membre depuis avril. Le document, qui sera déposé jeudi, vise à convaincre la procureure Fatou Bensouda d'ouvrir une enquête criminelle sur d'éventuels crimes de guerre israéliens. Le rapport pourrait donc ajouter un poids dans la balance et «faire en sorte que la procureure va s'intéresser à certaines violations qui [y] sont documentées», croit la professeure Julia Grignon. Elle estime cependant que le recours à la CPI par la Palestine est motivé par des considérations politiques davantage que juridiques. «Les Palestiniens savent que ce n'est pas la CPI qui va résoudre tous les problèmes auxquels ils sont confrontés.»

- Avec l'Agence France-Presse