Les sanctions internationales frappant la Corée du Nord n'ont pas l'effet escompté, le régime communiste maîtrisant désormais les fondamentaux technologiques nécessaires au développement de son programme nucléaire, ont affirmé mercredi des experts réunis à Séoul.

Divisés sur la question du niveau de la menace nucléaire posée par la Corée du Nord, ces experts invités par le centre d'études Asan Institute sont néanmoins convenus de l'urgence d'élaborer de nouvelles stratégies pour la contrecarrer.

Même la décision récente de la Chine, plus proche allié de Pyongyang, d'interdire l'exportation vers la Corée du Nord de tous les matériels pouvant servir à la confection de missiles et d'armes nucléaires, chimiques ou biologiques, semble vaine.

Il est de fait probable que la Corée du Nord ait atteint une certaine indépendance dans le domaine et soit en mesure de se passer des équipements et du savoir-faire extérieurs.

«Ils ne sont plus au début de ce processus. Cela fait longtemps qu'ils y oeuvrent», a relevé Park Jiyoung, directeur du département de recherche sur les politiques scientifiques et technologiques de l'institut.

«Il est tout à fait vraisemblable que le Nord va essayer de perfectionner sa capacité nucléaire actuelle (...) et le contrôle des exportations n'y peut rien», a-t-il ajouté.

La Corée du Nord a effectué trois essais nucléaires. Le dernier en date, et le plus puissant, en février dernier, a valu au régime un nouveau train de sanctions voté au Conseil de sécurité des Nations unies - avec, donc, la voix de Pékin.

Et des images satellites ont montré que Pyongyang était sur le point de redémarrer un réacteur nucléaire sur son site de Yongbyon où il aurait doublé ses moyens d'enrichissement de l'uranium.

Une nouvelle étude de l'expert en prolifération nucléaire, Joshua Pollack, de Washington, et du scientifique Scott Kemp, du Massachusetts Institute of Technology, prête à la Corée du Nord la capacité de produire des composants clés des centrifugeuses utilisées dans l'enrichissement.

«Ce qui signifie que la politique actuelle fondée sur le contrôle des exportations, les sanctions et les interdictions a atteint ses limites d'efficacité», a expliqué M. Pollack.

«Nous ne pouvons pas facilement enrayer l'avancée du programme d'enrichissement (...) ni même peut-être détecter cette avancée», a-t-il prévenu.

L'enrichissement de l'uranium est une opération nettement moins lourde que l'enrichissement du plutonium. Il peut être réalisé en utilisant une série de centrifugeuses dans des bâtiments relativement petits.

La possibilité que la Corée du Nord possède des installations consacrées à l'enrichissement de l'uranium disséminées aux quatre coins du pays minerait la crédibilité d'un accord d'aide à la dénucléarisation.

La meilleure option pour la communauté internationale consisterait donc à empêcher un quatrième essai nucléaire, a fait valoir le chercheur.

Pour Li Bin, physicien et spécialiste du nucléaire au Carnegie Endowment for International Peace, un centre d'études basé à Washington, la Corée du Nord «pourrait n'avoir besoin que d'un essai supplémentaire» pour parvenir à miniaturiser une bombe, étape clé vers la fixation d'une charge nucléaire sur la tête d'un missile.

Instrument politique

Le seul obstacle à l'aboutissement du programme nucléaire nord-coréen semble être la conception d'un engin de projection fiable.

En décembre 2012, la Corée du Nord était parvenue à lancer une fusée Unha-3 et à mettre un satellite sur orbite. Washington et ses alliés avaient immédiatement condamné un tir d'essai de missile balistique.

L'expert allemand en missiles, Markus Schiller, s'est déclaré «certain» - malgré les menaces contraires de Pyongyang - que la Corée du Nord ne possède pas aujourd'hui de missile intercontinental (ICBM).

L'Unha-3 «n'est pas une arme», a-t-il dit.

Le Nord possède des missiles de moindre portée capables d'atteindre la Corée du Sud, le Japon et la Chine, mais ils sont de médiocre fiabilité et la Corée du Nord n'y risquerait pas l'une de ses bombes.

Les experts estiment généralement l'arsenal nord-coréen entre six et dix bombes.

M. Schiller a par ailleurs minimisé la menace posée par la Corée du Nord. «Le programme militaire nord-coréen est un instrument politique» destiné à obtenir des concessions et de l'aide internationale», selon lui.