Des dizaines d'employés sud-coréens ont quitté samedi le site industriel intercoréen de Kaesong, en territoire nord-coréen et sont rentrés dans leur pays, a constaté un journaliste de l'AFP.

Ce retrait, décidé la veille par Séoul après que la Corée du Nord a rejeté son ultimatum pour l'ouverture d'un dialogue, laisse planer un doute sur l'avenir de ce complexe qui restait le dernier symbole des efforts faits en vue d'un rapprochement intercoréen.

Au total, 126 personnes, dont un Chinois, ont franchi samedi un point de contrôle situé à Paju, sur la ligne de démarcation entre les deux Corées, d'après un correspondant de l'AFP présent sur place. Elles se trouvaient à bord de dizaines de véhicules chargés notamment d'équipements assemblés à Kaesong et certaines ont éclaté en sanglots après avoir été accueillies par leurs collègues venus les saluer.

«Je suis plus préoccupé que soulagé de rentrer chez moi pour la première fois en un mois», a expliqué l'un de ces Sud-Coréens revenus samedi du Nord, Cho Yong-Joo, cadre d'une entreprise d'électronique de Séoul.

«Il faudrait que Kaesong survive, mais les choses ne se passent pas bien», a-t-il ajouté.

La cinquantaine de personnes encore présentes sur ce site - principalement des fonctionnaires qui le gèrent ainsi que des ingénieurs en télécoms et en électricité - devraient être évacuées lundi, selon le ministère sud-coréen de l'Unification.

«Nous sommes consternés par la décision soudaine du gouvernement de se retirer de Kaesong. Nous sommes préoccupés par les conséquences possibles de cette fermeture», a dit aux journalistes à Paju un représentant des 123 sociétés sud-coréennes de ce complexe industriel.

«Il est regrettable qu'il n'y ait eu aucune consultation préalable avec nous. Bien que certaines entreprises aient des opinions divergentes sur l'opportunité d'accepter cette décision soudaine, nous avons décidé de la respecter, car c'est une décision du gouvernement», a-t-il ajouté.

«J'étais plein de rêves et d'espoirs, il y a sept ans», a déclaré à l'AFP Park Yun-Kyu, PDG d'une entreprise de confection de vêtements de Séoul installée à Kaesong. «Maintenant, les choses semblent si sombres et je ne sais pas quoi faire».

«La prochaine étape côté sud-coréen pourrait être de couper l'électricité au complexe avant de le fermer de façon permanente», prédit Yang Moo-Jin, un spécialiste des questions nord-coréennes à l'Université de Séoul.

Pour lui, «la réponse forte de la Corée du Sud pourrait entraîner la disparition du dernier point de contact qui reste - et une confrontation prolongée - entre les deux Corées».

Un porte-parole de l'organisme nord-coréen chargé du développement du site de Kaesong, cité par les médias officiels de son pays, a estimé que la décision du Sud d'en faire partir ses ressortissants était une «provocation hideuse de maniaques de la confrontation» et que «le régime fantoche sud-coréen» complotait en vue de provoquer l'effondrement de ce complexe.

Après le gel des relations bilatérales en 2010, Kaesong est toujours resté ouvert, à de rares et brèves exceptions près.

Mais depuis le 3 avril, le Nord interdit aux Sud-Coréens l'accès à ce complexe, pourtant source essentielle de devises pour le régime isolé de Kim Jong-Un, situé sur son territoire à une dizaine de kilomètres de la ligne de démarcation.

Il en a retiré ses 53 000 employés à un moment où les tensions étaient très vives sur la péninsule et où Pyongyang multipliait les menaces d'attaques nucléaires contre la Corée du Sud et son allié clé, les États-Unis.