Les forces des nouvelles autorités libyennes bombardaient jeudi lourdement Syrte et s'engageaient dans de dangereux combats urbains face aux partisans de Mouammar Kadhafi.

L'ex-dirigeant toujours en fuite a de son côté appelé les Libyens à manifester «par millions» contre le nouveau pouvoir, le Conseil national de transition (CNT), dans un message sonore diffusé jeudi soir par la chaîne Arraï basée en Syrie.

«Je leur dis n'ayez peur de personne, vous êtes le peuple, vous appartenez à cette terre. Faites entendre votre voix contre les collaborateurs de l'OTAN», a affirmé le «Guide» déchu dans ce message où il était à peine audible.

«Certains parlent du CNT comme du représentant légitime du peuple libyen, mais d'où vient cette légitimité, de l'élection par le peuple libyen?», a-t-il fait mine de s'interroger.

En fuite depuis la chute le 23 août de son QG à Tripoli, il n'a toujours pas été localisé. Son dernier message sonore remontait au 20 septembre: il avait alors qualifié de «mascarade» les événements en cours en Libye, appelant les Libyens à «ne pas croire» qu'un changement de régime y était survenu.

Sur le terrain, ses partisans faisaient montre d'une résistance acharnée à Syrte, ville-symbole située à 360 km de Tripoli, forçant les pro-CNT à s'engager dans des combats de rue rapprochés, sous la menace de tireurs embusqués.

D'intenses affrontements faisaient rage dans le nord-est de la ville, où les forces loyalistes ont tenté dans la nuit de desserrer l'étau imposé depuis plus de trois semaines par les pro-CNT.

En fin de journée, les forces du CNT tentaient de prendre une avenue stratégique dans l'est de la ville, a rapporté un journaliste de l'AFP. Cet axe mène de l'université au «quartier des Mauritaniens» dans le centre-ville, une des places fortes des forces fidèles à Mouammar Kadhafi.

«Nous allons tenter de nous emparer ce soir de cette avenue pour empêcher les mouvements ennemis. La zone ici est trop dangereuse au milieu des habitations, nous devons prendre cet axe», a affirmé à l'AFP un officier du CNT, Nagib Mismari.

Les combattants des nouvelles autorités ont progressé dans la journée d'un kilomètre vers le centre-ville, pénétrant à pied dans l'entrelacs des habitations.

Le Centre de conférence Ouagadougou, où se tenaient des sommets panafricains et aujourd'hui place-forte des partisans de l'ancien régime, était aussi toujours la cible d'intenses bombardements, de même que l'université et le «quartier des Mauritaniens», où combattraient de nombreux mercenaires naturalisés Libyens mais originaires de ce pays, selon un journaliste de l'AFP.

À 130 km au sud-ouest de Tripoli, de violents affrontements entre pro et anti-Kadhafi se déroulaient à Ragdaline, aux mains des fidèles de l'ex-régime, selon un responsable militaire du CNT, Smaïl Atouchi. Les combattants pro-CNT «font face à quelque 900 soldats de l'ex-régime», a-t-il précisé.

Par ailleurs, un millier d'hommes et une centaine de véhicules militaires des forces du CNT ont quitté jeudi matin Gargarech, à 10 km de Tripoli, pour Bani Walid (à 170 km au sud-est de la capitale), où les combattants pro-Kadhafi résistent depuis des semaines, a indiqué un commandant militaire.

«Nous allons d'abord négocier pour une reddition pacifique des pro-Kadhafi et tenter de faire sortir les 10% de civils qui sont encore dans la ville avant de lancer un assaut», a indiqué à l'AFP Moussa Ali Younès, commandant de la brigade Jado, qui dirige cette opération.

Selon lui, «Saïf al-Islam (un des fils Kadhafi) se trouve à Bani Walid et peut-être aussi Mouammar Kadhafi mais il y a 50% de doutes sur la présence (du dirigeant déchu). Il y a beaucoup de proches de Kadhafi à Bani Walid, plus qu'à Syrte», région natale du «Guide», a-t-il expliqué.

Malgré près d'un mois de combats, les forces pro-CNT ne parviennent pas à progresser dans cette vaste oasis au relief accidenté, en raison de la résistance acharnée des pro-Kadhafi, mais aussi d'un manque de coordination et de moyens.