Les forces du nouveau pouvoir en Libye ont pris le contrôle jeudi de la Vallée rouge, se rapprochant ainsi de Syrte, un des derniers fiefs des partisans de l'ex-leader Mouammar Kadhafi qui, traqué de toutes parts, a démenti s'être enfui au Niger.

Localiser l'ex-dirigeant reste un objectif majeur pour le Conseil national de transition (CNT), issu de la rébellion et qui contrôle la majeure partie du pays, mais également pour bon nombre de membres de la coalition internationale intervenue en mars pour protéger -sous mandat de l'ONU- les civils d'une répression sanglante de la contestation contre le régime Kadhafi.

Jeudi, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo a demandé à Interpol de délivrer une «notice rouge» contre Mouammar Kadhafi, qui fait déjà l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI, «pour des crimes contre l'humanité présumés, à savoir meurtre et persécution».

Sur le terrain, les combattants se préparaient à lancer des assauts contre des bastions pro-Kadhafi en cas d'échec des négociations. Les villes de Syrte (360 km à l'est de Tripoli), Sebha (centre) et Bani Walid (170 km au sud-est de Tripoli) n'ont plus que deux jours pour déposer les armes, le CNT leur ayant fixé un ultimatum expirant samedi, faute de quoi il décidera d'une offensive militaire.

Sur la route de Syrte, «nos hommes ont pris le contrôle de la Vallée Rouge» vers 14h45 (8h45, heure de Montréal), a déclaré à l'AFP un commandant du CNT sur le front, Moustapha Bendardaf.

La Vallée rouge est située à une soixantaine de kilomètres à l'est de Syrte et constituait l'une des principales lignes de défense des partisans de Mouammar Kadhafi dans ce secteur. Le front ouest de Syrte est resté en revanche très calme jeudi, dans l'attente de l'expiration de l'ultimatum.

L'enjeu pour les combattants anti-Kadhafi est de se positionner au plus près de Syrte, région natale du dirigeant en fuite. Déjà, des milliers de combattants pro-CNT ont pris position le long de la ligne de front autour de la localité de Oum Khounfis dans l'attente de cette offensive.

À Bani Walid, les négociations pour une reddition pacifique de la ville se sont arrêtées car «elles n'ont donné aucun résultat», a indiqué jeudi un chef militaire du CNT, Abdallah Abou Oussara, qui dit attendre les instructions pour une éventuelle action.

Selon le chef des négociateurs, Abdallah Kenchil, l'un des fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, a été aperçu dans cette ville.

Mais si l'étau se resserre contre Mouammar Kadhafi selon le CNT, l'ex-homme fort de Libye est resté menaçant, ironisant sur les spéculations lancées depuis son entrée en clandestinité avec la chute le 23 août de son QG à Tripoli.

«Il ne leur reste plus que la guerre psychologique et les mensonges. Ils ont dit dernièrement qu'on a vu Kadhafi dans un convoi vers le Niger», a-t-il dit dans un message audio diffusé par Arrai, une télévision arabe basée à Damas, devenue son unique canal de communication.

«Combien de convois de contrebandiers, de marchandises et de gens entrent dans le désert chaque jour vers le Soudan, le Tchad, le Mali ou l'Algérie? Comme si c'était la première fois qu'un convoi traverse vers le Niger!» a-t-il lancé.

«Nous sommes prêts à Tripoli et partout à intensifier les attaques contre les rats et les mercenaires», a-t-il encore menacé.

Le passage lundi d'un important convoi de véhicules civils et militaires venant de Libye à Agadez, une ville du nord du Niger, avait alimenté les spéculations sur une fuite de colonel libyen, avant une série de démentis.

Les États-Unis ont demandé aux pays frontaliers de la Libye, dont le Niger, de contrôler et sécuriser leurs frontières.

Le Niger, qui a nié qu'il soit sur son territoire, s'est engagé à examiner «au cas par cas» les demandes du CNT de livrer des personnalités du régime Kadhafi réfugiées sur son territoire. Le CNT a envoyé une délégation au Niger pour lui demander d'empêcher toute tentative de Kadhafi ou de sa famille d'y entrer.

En Tunisie, un proche de Mouammar Kadhafi, le général Khouildi Hamidi, a été empêché de quitter le pays depuis l'aéroport international de Carthage Tunis, a déclaré à l'AFP une source gouvernementale, précisant que M. Hamidi était accompagné de sa famille.

Avant sa disparition, M. Kadhafi a vendu plus de 20% des réserves en or du pays, d'une valeur de plus d'un milliard de dollars, a annoncé le gouverneur de la Banque centrale, Qassem Azzoz. Environ 29 tonnes d'or ont été vendues à des commerçants locaux, alors que le régime était à court de liquidités.

Pour les États-Unis, le fait que Mouammar Kadhafi soit toujours en liberté constitue «un danger» pour le nouveau pouvoir dans ses efforts pour stabiliser la Libye et construire un gouvernement.

L'OTAN, qui poursuit ses frappes aériennes, mais avec une cadence beaucoup plus faible, a annoncé avoir détruit mercredi «cinq véhicules de combat blindés» et «deux véhicules armés» dans les environs de Syrte, où sont concentrées de nombreuses installations militaires.

Les États-Unis ont à cet effet salué jeudi le rôle «extraordinaire» de la France et la Grande-Bretagne dans le conflit, tout en relevant la participation active de Washington.

Et au moment où les nouvelles autorités s'implantent progressivement à Tripoli, le Conseil de sécurité va discuter vendredi d'une mission de l'ONU de trois mois en Libye pour aider le nouveau pouvoir à réformer la police et la justice et à préparer les élections dans un pays ravagé par plus de six mois de conflit.