Le Conseil de sécurité de l'ONU a «condamné» mercredi la répression meurtrière des manifestations d'opposition par les autorités syriennes, qui ont déployé des centaines de chars autour de plusieurs villes du pays, où trois civils ont été tués dans la soirée.

De son côté, Washington a haussé le ton affirmant chercher de nouveaux moyens de pression sur le président Bachar al-Assad qu'il estime pas «indispensable» pour la stabilité de la région.

Après des semaines de blocage, le Conseil a adopté une déclaration qui «condamne les violations généralisées des droits de l'Homme et l'usage de la force contre les civils par les autorités syriennes».

Un diplomate libanais à l'ONU a indiqué que son pays, membre du Conseil de sécurité, se «désolidarisait» de la déclaration qui, selon lui, «n'aiderait pas» à mettre fin à la crise.

C'est la première fois que le Conseil se prononce sur la Syrie depuis le début des manifestations contre le régime le 15 mars. Cette déclaration reste toutefois moins contraignante qu'une résolution.

Le texte ne fait aucune référence à une enquête du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU sur la répression, comme l'avaient demandé plusieurs pays européens. Il exige en revanche que les responsables de la répression, qui aurait déjà fait 1.600 morts selon les ONG, «rendent des comptes».

Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a salué «un tournant dans l'attitude de la communauté internationale» après l'adoption ce la déclaration, estimant qu'il revient désormais à Damas «de cesser d'utiliser la force contre les manifestations pacifiques et de mettre en oeuvre les réformes» demandées par le peuple.

A Washington, la Maison Blanche a estimé que le président Assad n'est pas «indispensable» à la stabilité de la région et que les Etats-Unis «n'ont rien à attendre» de son maintien au pouvoir, disant chercher de nouveaux moyens de pression contre le régime.

L'agence officielle syrienne Sana a indiqué de son côté que le Parlement se réunirait en session extraordinaire dimanche pour discuter «de sujets concernant la nation et ses citoyens», sans plus de précisions.

Pendant ce temps, la répression se poursuivait: «Il y a une centaine de chars et transports de troupes sur la route qui conduit au centre de Hama (centre) et environ 200 près de Deir Ezzor (est)», a déclaré à l'AFP Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG installée en Grande-Bretagne.

«Trois martyrs sont tombés et des dizaines ont été blessés par les balles des forces de sécurité», lors de manifestations à Damas, dans le quartier d'Almidan, Doa (province de Deraa, sud) et Palmyre (centre) après après la prière du soir marquant la rupture du jeûne de Ramadan, a-t-il indiqué.

Il a précisé que toutes les communications téléphoniques et l'internet avaient été coupés dans Hama et sa région, où l'armée a lancé une vaste offensive dimanche, tuant une centaine de manifestants.

Plusieurs quartiers de cette ville rebelle, située à 210 km au nord de Damas, étaient la cible de bombardements. «D'après ce qu'on entend, c'est une véritable guerre», a dit un militant sous couvert de l'anonymat. Selon Rami Abdel Rahmane, 500 familles ont quitté la ville.

Le Comité de coordination local (CCL), qui représente les manifestants, a indiqué qu'un bâtiment et plusieurs maisons s'étaient écroulés sous les bombardements.

«Les gens désertent la ville, ils doivent faire face à des tirs des forces de sécurité et des soldats s'ils n'obtempèrent pas aux ordres de retourner dans la ville», a indiqué le CCL.

Hama avait été le théâtre d'immenses manifestations contre le pouvoir ces dernières semaines. Cette ville était déjà un symbole de la lutte contre le régime depuis la répression en 1982 d'une révolte des Frères musulmans, qui avait fait 20.000 morts.

L'agence Sana accuse des «gangs terroristes armés» de semer le trouble dans la ville et de terroriser les habitants, justifiant l'intervention des forces de l'ordre et de l'armée.

Sana, citant la télévision syrienne, a également indiqué que «des groupes de terroristes armés» à Deir Ezzor avaient saccagé des biens publics, précisant que que les services de sécurité avaient saisi dans cette ville une voiture suspecte transportant des armes et des cocktails molotov.

La télévision officielle a par ailleurs diffusé des images de corps jetés d'un pont dans une rivière, affirmant qu'il s'agissait de ceux de membres des forces de sécurité tués par des manifestants. Des militants assurent qu'il s'agit de corps de manifestants tués par l'armée.

Toutes ces informations n'ont pas pu être vérifiées de source indépendante, la presse internationale ne pouvant se déplacer dans le pays.

Depuis le 15 mars, près de 3000 personnes sont portées disparues et quelque 12.000 ont été emprisonnées en quatre mois et demi de révolte, d'après les ONG.

Malgré la répression, les militants ont affirmé sur leur page Facebook leur volonté de manifester «tous les soirs» après les prières qui marquent quotidiennement la fin du jeûne pendant le ramadan.

Mercredi soir, selon un militant sur place, entre 800 et 1000 personnes ont manifesté après la prière à Lattaquié (nord-ouest). Les forces de sécurité les ont dispersées en les frappant avec des bâtons et en ont arrêté 30, dont un responsable d'une mosquée.

Au Liban voisin, 300 sunnites ont manifesté mercredi soir à Tripoli (nord) pour réclamer le départ du président syrien.