De nouvelles manifestations sont prévues vendredi en Égypte à l'appel du mouvement de contestation qui espère en faire la journée du départ du président Hosni Moubarak, après 10 jours de protestations et de violences meurtrières sans précédent dans le pays.

Les organisateurs espèrent mobiliser, comme le 28 janvier, un million de personnes après la prière musulmane hebdomadaire, en début d'après-midi.

Selon la journaliste Christiane Amanpour de la chaîne américaine ABC, le vice-président égyptien Omar Souleimane, rencontré lors d'une interview avec M. Moubarak au Caire, lui a dit que l'armée déployée en renfort n'utiliserait «jamais» la force contre la population.

Après avoir rejeté l'appel du régime «illégitime» au dialogue, la confrérie islamiste des Frères musulmans, honnis par le pouvoir, ont estimé que les appels aux négociations «n'influeront pas sur les rassemblements de masse prévus vendredi pour faire tomber le régime».

L'opposition, composée également de partis laïques et de mouvements issus de la société civile comme la Coalition nationale pour le changement qui s'est formée autour du prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradei, a fait du départ immédiat de M. Moubarak une condition pour négocier avec le régime.

M. Souleimane a estimé que cette demande équivalait à un «appel au chaos» et exhorté les manifestants à quitter la place Tahrir, épicentre de la contestation au Caire.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, sur la place Tahrir, des milliers de manifestants ont de nouveau bravé le couvre-feu nocturne, campant sous des tentes et se réchauffant autour de feux, après une journée de heurts intermittents entre opposants et partisans de M. Moubarak.

Ce dernier, selon Mme Amanpour, a assuré en avoir «assez d'être président», disant vouloir «abandonner le pouvoir maintenant, mais qu'il ne pouvait le faire de peur que le pays ne sombre dans le chaos».

De son côté, le New York Times a assuré que Washington discute avec des responsables égyptiens des modalités d'un départ immédiat d'Hosni Moubarak et du transfert du pouvoir à un gouvernement de transition dirigé par Omar Souleimane, un projet destiné à recueillir le soutien de l'armée égyptienne.

M. Moubarak avait dit mardi qu'il ne se briguerait pas un sixième mandat lors de la présidentielle de septembre mais cette annonce n'a pas apaisé la rue.

Dans le même temps, les autorités optaient pour la manière forte en arrêtant sept jeunes leaders du mouvement contestataire, après leur rencontre avec l'opposant Mohamed ElBaradei, selon des proches.

Au moins huit personnes ont été tuées et plus de 800 blessées mercredi et jeudi matin dans de violents heurts entre les deux camps. Plus de 300 personnes ont péri la première semaine de la contestation, selon un bilan non confirmé de l'ONU.

Des dizaines de journalistes étrangers ont été battus, interpellés ou intimidés ces deux derniers jours, et aucune télévision n'a diffusé d'images en direct depuis la place Tahrir dans la nuit de jeudi à vendredi.

Un étranger dont on ignore la nationalité a été battu à mort non loin de là, selon des témoins et des services de secours.

Jeudi, des centaines de partisans du régime armés de matraques, de couteaux et certains de pistolets, ont empêché pendant plusieurs heures l'entrée sur la place de renforts ou ravitaillement aux opposants qui y sont retranchés.

L'armée, épine dorsale du régime, surveille sans intervenir. Elle n'est intervenue que rarement pour disperser les protagonistes ou tenter de sauver des personnes agressées.

D'autres partisans du régime, postés sur le pont du 6 octobre, ont lancé des pierres et des bouteilles incendiaires sur les opposants. Des pavés et des bordures en pierre ont été utilisés comme projectiles et des barricades ont été érigées.

Le pouvoir a rejeté les accusations selon lesquelles il a orchestré les violences, montrant du doigt les Frères musulmans, principale force d'opposition.

L'Occident a dénoncé ces attaques. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a condamné «dans les termes les plus fermes» les agressions contre les journalistes, appelant les forces de sécurité à les protéger. Elle a également appelé à des «négociations sérieuses» immédiates entre le pouvoir et l'opposition «en vue d'une transition pacifique et en bon ordre» en Égypte.

A Berlin, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a jugé «scandaleuse et totalement inacceptable» la répression en Egypte contre les médias et les défenseurs des droits de l'Homme.

Face à la situation alarmante, les dirigeants occidentaux maintiennent la pression sur M. Moubarak en appelant à une transition immédiate du pouvoir.

La communauté internationale continue en outre d'aider ses ressortissants à quitter le pays.

Malgré les troubles, le Pentagone a assuré qu'il ne comptait pas cesser ses livraisons d'armes à son allié égyptien. Son soutien militaire annuel se monte à 1,3 milliard de dollars.

Le renseignement américain a alerté l'administration Obama des troubles en Égypte fin 2010, a indiqué jeudi devant le Congrès une responsable du renseignement.

M. Moubarak, 82 ans, est accusé de tous les maux dans ce pays de 83 millions d'habitants -pauvreté, chômage, privation de libertés et régime policier.

Cette vague de contestation sociale et politique sans précédent a déferlé sur l'Égypte depuis le 25 janvier, après la Tunisie qui a vu la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue.