Des mines ou des grenades qui traînent par terre, des enfants qui les ramassent en pensant que ce sont des jouets. Et l'inévitable se produit. Notre journaliste a rencontré un garçon de 17 ans qui a perdu son petit frère et sa main gauche dans l'explosion d'une grenade à Mopti.

Mamadou Témé, 17 ans, fixe le vide, le regard éteint. Il est couché dans un lit à l'hôpital de Mopti, la main gauche enveloppée dans un bandage taché de sang. Du moins ce qu'il en reste.

La semaine dernière, un de ses frères a trouvé une grenade à l'entrée de la ville. Il l'a apportée à la maison, pensant que c'était un jouet. L'objet était rond et doré. Mamadou l'a pris, intrigué. Il l'a lancé par terre pour s'amuser. La grenade a explosé.

Il était 16h30, Mamadou était dans la maison avec ses trois frères. Deux ont été légèrement blessés. Le plus jeune est mort, il avait un an et demi. Son abdomen et ses jambes ont été en partie pulvérisés par la force de l'impact. Le Dr Traoré a essayé de le recoudre. «Le petit n'a pas supporté l'opération», explique-t-il.

C'est lui qui a amputé la main gauche de Mamadou et qui a rafistolé sa droite qui était fracturée. Il se tient debout à côté du lit de Mamadou. Il lui parle gentiment, mais Mamadou ne répond pas. Il fixe toujours le vide.

Lorsque la grenade a explosé, Mamadou s'est évanoui. Quand il s'est réveillé, il a appris que son frère était mort et que sa main gauche avait été amputée. Depuis, il est sous le choc. Il souffre dans son corps et dans son âme.

Huit malades partagent la chambre de Mamadou. Les lits sont collés les uns contre les autres. De grandes fenêtres laissent entrer une lumière dure, crue. Il est midi, le soleil africain est sans merci. Dans la chambre, il fait chaud et une forte odeur de médicaments flotte dans l'air.

Les murs sont d'un blanc immaculé, les planchers propres, les lits neufs. L'hôpital a été construit en 2010.

Mamadou n'est pas seul. Son oncle, Amborko Témé, et un de ses frères, Amadou, sont à son chevet. Amadou aussi a été blessé, mais très légèrement. Une éraflure à la tête. Il était en train d'étudier quand la grenade a explosé. «Il y a eu un grand bruit et une drôle d'odeur, raconte-t-il. J'ai vu mes frères par terre et j'ai paniqué.»

La mère et les voisins ont accouru. Ils ont vu la fumée, les corps, ils ont senti l'odeur. Ils ne comprenaient pas ce qui se passait. Paniqués, ils ont appelé les pompiers.

L'oncle se penche sur Mamadou. Il lui répète mes questions. Mamadou bouge, il a mal. Il prononce quelques mots à peine audibles.

«Il a toujours la douleur avec lui, traduit son oncle. Il a perdu une main et un petit frère. Il réfléchit très mal à sa vie. Il est très triste. C'est lui-même qui a fait quitter l'enfant.»

Mamadou ne dit rien. Son frère et son oncle restent près de lui, silencieux, impuissants.

En face, un autre garçon de 16 ans est étendu dans un lit, les mains cachées par des bandages. Son histoire ressemble à celle de Mamadou. Il vit à Konna, une ville située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Mopti. Les islamistes et les armées française et malienne se sont battus à Konna, laissant derrière eux des munitions, des mines et des grenades.

Le garçon a trouvé une mine dans un dépôt d'ordures. Il la trouvait jolie. Il était avec ses frères. Comme Mamadou, il l'a jetée par terre et elle a explosé. Il a été chanceux, ses mains ne sont que fracturées et ses frères légèrement blessés.

«Des munitions, des mines et des grenades traînent partout, dit le Dr Traoré. Il faut les enlever et sensibiliser les gens.»

Dernièrement, un homme de 50 ans a trouvé une grenade à Douentza, sur la route de Gao. Il croyait que c'était une tabatière. Il l'a dégoupillée. Il a perdu quelques doigts.

Les islamistes du MUJAO continuent de se battre. La nuit, ils posent des mines sur la route qui relie Mopti à Gao. «Il faut être très prudent», avertit le Dr Traoré.

Il quitte la chambre d'un pas leste, d'autres malades l'attendent. Mopti a été sur la ligne de front et l'hôpital a reçu de nombreux blessés de guerre. Il laisse derrière lui les deux garçons qui se remettent péniblement de leur traumatisme. Même si leurs lits sont face à face, ils ne se parlent pas et ne se regardent pas.