L'opposition au Venezuela qui cherche à révoquer le président socialiste Nicolas Maduro s'est heurtée à un nouvel obstacle, les autorités ayant fait savoir tard jeudi que l'annonce de la date d'un référendum crucial avait été reportée.

Le calendrier est un point crucial de la bataille que mène depuis des mois la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre droit), majoritaire au Parlement: si le référendum a lieu d'ici le 10 janvier 2017 et est couronné de succès, il provoquera des élections anticipées.

S'il est organisé plus tard, une éventuelle révocation de Nicolas Maduro n'entraînerait que son remplacement par son vice-président, du même parti, jusqu'à la fin de son mandat en 2019.

Le Conseil national électoral (CNE) devait annoncer vendredi les dates exactes - il a déjà indiqué que ce serait pour fin octobre - auxquelles l'opposition doit tenter de réunir quatre millions de signatures (20 % de l'électorat) en trois jours, ultime étape avant de pouvoir convoquer la consultation.

Mais le CNE a une fois de plus, tard jeudi, reporté sa décision. Il a affirmé dans un communiqué que ses fonctionnaires étaient menacés en raison d'appels de l'opposition à des manifestations vendredi devant les bureaux de cet organisme.

Le travail reprendra lundi, a annoncé le CNE, sans préciser s'il fixerait à ce moment une date pour le référendum, unique moyen selon l'opposition de trouver une issue pacifique à la violente crise économique et sociale qui secoue le pays.

La MUD accuse le CNE de retarder le processus et de multiplier les obstacles pour défendre le président Maduro.

Sommet des Non-Alignés

Ce nouveau report intervient alors que le Venezuela s'apprête à accueillir samedi et dimanche, sur l'île de Margarita (nord), le 17e sommet du Mouvement des Non-Alignés: un rendez-vous diplomatique qui ne devrait pas réussir à masquer son isolement international, renforcé par la récente décision du Mercosur, le marché commun sud-américain, de le priver de présidence tournante.

Le vice-président du Venezuela a déclaré jeudi que le référendum ne pourrait pas avoir lieu en 2016, faute de temps.

«Cette année il n'y aura pas de référendum, (les opposants) n'ont pas le temps», a affirmé Aristobulo Isturiz lors d'une conférence de presse.

«Cette semaine est cruciale pour notre pays. Il y a deux alternatives ici: ou on respecte la loi ou nous n'aurons pas d'autre choix que d'aller manifester avec force», avait prévenu lundi le porte-parole de la MUD, Jesus Torrealba.

Le vice-président vénézuélien, Aristobulo Isturiz, a d'ores et déjà estimé, au cours d'une conférence de presse jeudi sur l'île de Margarita, qu'il n'y aurait pas de référendum révocatoire en 2016 car l'opposition n'aurait pas le temps d'obtenir sa convocation.

Après le recueil de signatures, l'organisme aura un mois pour les vérifier, puis jusqu'à trois pour convoquer le référendum.

S'il allonge les délais au maximum et organise la consultation en février ou mars 2017, les analystes préviennent du risque d'explosion sociale alors que la population est lassée après 17 ans de chavisme (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013).

«Je ne sais pas ce que va faire le CNE, mais s'il annonce un calendrier qui reporte le référendum à 2017, il provoquera une situation terrible dans la rue. Les gens sont très inquiets, angoissés», explique à l'AFP Milagros Betancourt, experte en relations internationales.

Selon l'institut de sondages Datanalisis, 80 % des Vénézuéliens exigent un changement de gouvernement dans ce pays pétrolier dont l'économie a sombré avec la chute des cours du brut.

Plan de ravitaillement

Chaque jour, les habitants doivent patienter des heures devant les magasins et les pharmacies, se désespérant face à une pénurie qui touche huit produits de première nécessité sur dix.

L'inflation est elle devenue incontrôlable: après 180 % en 2015, elle devrait exploser à 720 % cette année selon le Fonds monétaire international (FMI).

Le gouvernement de M. Maduro, au pouvoir depuis 2013, dénonce une «guerre économique» menée par la droite et les milieux d'affaires, qui selon lui aggravent les pénuries pour faciliter un coup d'État à son encontre.

Le président a prorogé pour 60 jours, selon un communiqué publié jeudi, l'état d'exception instauré en janvier en raison de la crise économique.

Pour apaiser un peu le mécontentement populaire, M. Maduro a lancé avec l'armée un plan de ravitaillement, confié à 18 généraux, un par catégorie de produits: le riz, les haricots, le papier toilette...

«Nous sommes sur le point de faire échouer la guerre économique et cela désespère les secteurs radicaux», a assuré le vice-président Isturiz.

Il a promis que, dans les prochains mois, le pays assisterait «de manière progressive» au contrôle de l'inflation et à une réduction des files d'attente devant les magasins.

Pour l'opposition, les choses sont pourtant claires: il n'y aura pas de sortie de crise sans nouvelles élections.

«Au Venezuela, il y a une grave impossibilité de gouverner et l'unique manière sérieuse d'aborder cette crise est via la solution électorale. C'est pourquoi la date de collecte des signatures doit être le plus tôt possible», insiste Jesus Torrealba.