Le camp de la présidente brésilienne Dilma Rousseff a subi mercredi un nouveau coup dur avec l'incarcération du chef du groupe sénatorial du Parti des travailleurs au pouvoir, Delcidio do Amaral, dans l'enquête sur le scandale de corruption.

Fidèle soutien de Mme Rousseff, le sénateur Amaral a été interpellé à Brasilia à la demande du parquet et placé en détention provisoire sur la base «d'indices de tentative d'obstruction à la justice».

Fait unique dans l'histoire démocratique brésilienne, son placement en détention a été autorisé par le Tribunal supérieur fédéral (TSF) qui a levé de facto l'immunité parlementaire du sénateur en raison du flagrant délit.

Les sénateurs ont voté dans la soirée pour la confirmation du placement en détention de leur collègue par 59 votes contre 13.

Le sénateur Amaral est le premier parlementaire brésilien, sur des dizaines de noms cités dans le cadre de l'enquête, à subir les foudres de la justice dans le scandale de corruption politico-financier autour du géant étatique pétrolier Petrobras.

L'enquête lancée en 2014 a mis à jour un système de trucage systématique des marchés passés entre Petrobras et ses sous-traitants, donnant lieu à des commissions de 3% sur chaque marché dont une partie était reversée à des élus de la coalition au pouvoir.

Elle a débouché sur les inculpations de nombreux anciens hauts dirigeants de Petrobras, des patrons de certains des plus grands groupes de travaux publics brésiliens, et de nombreux intermédiaires.

Petrobras a évalué au début de l'année à deux milliards de dollars les sommes détournées de la compagnie. La police fédérale évalue actuellement le montant du préjudice à plus de 11 milliards de dollars.

Délation contre remise de peine

La justice a décidé d'incarcérer M. Amaral après avoir entendu une conversation accablante, enregistrée par le fils de l'ancien directeur international de Petrobras, Nestor Cervero, actuellement en prison, et qui négocie avec les enquêteurs un accord de délation contre remise de peine.

Le sénateur y tentait de convaincre le fils de M. Cervero de faire pression sur son père pour que celui-ci renonce à collaborer avec la justice. En contre-partie, il aurait offert de l'aider à fuir en Espagne une fois libéré et de verser une rente mensuelle à sa famille de 13 500 dollars.

Ce nouveau rebondissement tombe au plus mal pour la présidente Rousseff, dont la popularité s'est effondrée sous les 10% depuis sa difficile réélection fin 2014.

La présidente de gauche subit de plein fouet les effets dévastateurs et conjugués du scandale Petrobras, de la récession économique et d'une crise politique aiguë qui menace son mandat.

Le PT a déjà été frappé au coeur cette année avec les inculpations et placements en détention de son trésorier, Joao Vaccari, et de l'ancien chef de cabinet de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, José Dirceu, figure historique du parti.

D'autres hauts responsables de la coalition au pouvoir sont visés à des titres divers par l'enquête: c'est le cas du président du Sénat, Renan Calheiros, membre du parti centriste PMDB, poids lourd de la coalition au pouvoir, qui n'a toutefois pas à ce jour été inquiété.

Mais aussi du président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, qatrième personnage de l'État, lui aussi membre du PMDB et farouche adversaire de Dilma Rousseff, qui tient en otage depuis des mois le camp présidentiel pour sauver sa tête.

Ce député évangélique ultra-conservateur est accusé d'avoir perçu des millions de dollars de pots-de-vins sur des comptes en Suisse révélés cet été par la justice helvétique, et dont il avait nié l'existence devant la commission d'enquête parlementaire sur Petrobras.

M. Cunha fait l'objet d'une procédure disciplinaire devant la commission d'éthique du Parlement qui pourrait le déchoir de sa fonction.

Mais il fait chanter le PT en menaçant de donner suite à une demande de destitution de l'opposition contre Mme Rousseff qu'il a seul la prérogative de filtrer, si le parti présidentiel appuie sa propre éviction.