«Le pétrole ne remontera jamais à 100 dollars, mais Dieu pourvoira» aux destinées du Venezuela : c'est par ces mots que le président socialiste Nicolas Maduro a tenu mercredi soir à rassurer ses concitoyens confrontés à une grave crise économique.

Invocation des mannes célestes, mais aussi modification de la politique de changes, éventuelle augmentation du prix de l'essence, hausse du salaire minimum de 15 %... : les mesures annoncées par M. Maduro pour lutter contre la crise que traverse ce pays pétrolier ont été jugées largement insuffisantes par des analystes économiques.

Et provoqué l'ironie de la population victime d'un taux d'inflation record (64 % par an), de pénuries grandissantes de produits alimentaires, médicaux ou industriels, et d'un déficit budgétaire de 20 % du PIB, essentiellement provoqué par la chute vertigineuse des cours du pétrole - qui représente 96 % des revenus en devises de l'État.

Mais dans une longue allocution radiotélévisée, l'héritier de Hugo Chavez n'a finalement annoncé qu'une modification des taux de changes et répété, comme il y a un an, envisager une augmentation de l'essence, la moins chère du monde, dont les tarifs subventionnés coûtent 15 milliards de dollars par an à l'État, selon la compagnie pétrolière publique PDVSA.

Et encore, ni les détails ni le calendrier de ces mesures n'ont été communiqués par le président socialiste à ses 30 millions de concitoyens.

Pour l'économiste et sondeur Luis Vicente Leon, «étant donné l'importance de la crise et les niveaux d'inflation et de pénuries, les annonces paraissent insuffisantes pour enthousiasmer les masses».

Jesus Casique, également économiste, juge lui que l'intervention présidentielle devant le Parlement n'était que «démagogie» et «populisme», démontrant que le pouvoir «est déconnecté de l'environnement économique».

«S'il n'y a pas un ajustement de la dépense publique (...), les bénéfices d'une nouvelle politique de changes pourront être limités», a quant à lui averti Efrain Velazquez, président du Conseil économique du Venezuela.

Et 60 économistes ont signé un document indiquant que le président «a fait quelques annonces ponctuelles qui ne changent pas le cours des grandes difficultés de l'économie» du pays.

Cette semaine, le Fonds monétaire international (FMI) a tablé sur une chute de 7 % en 2015 du PIB vénézuélien, contre déjà -4 % en 2014.

«La bourgeoisie» accusée

Jusqu'à ces derniers jours, M. Maduro, qui a visité début janvier divers pays producteurs de pétrole pour tenter de coordonner une réponse à la chute des cours et trouver des financements, répétait encore que le prix juste pour le baril s'élèverait à 100 $.

Mais mercredi, il a admis que «visiblement, le pétrole ne remontera jamais à 100 $, mais Dieu y pourvoira. Le Venezuela ne manquera jamais de rien», a-t-il voulu croire.

Pour le gouvernement, la crise économique est due à une guerre livrée par l'opposition, des groupes putschistes ou encore aux mafias se livrant à la contrebande de produits subventionnés avec la Colombie voisine.

«La bourgeoisie prétend me faire ce qu'elle a fait (au président socialiste chilien) Salvador Allende», renversé en 1973 par le général Augusto Pinochet, a encore clamé jeudi depuis la Bolivie le président Maduro.

Opposition et analystes estiment pour leur part que les pénuries proviennent du manque de dollars, qui empêche les importateurs de se fournir à l'étranger, de l'inefficacité du contrôle des changes instauré en 2003 (qui favorise un marché noir sur lequel le billet vert s'échange 30 fois son cours officiel) et de la corruption.

Quelle que soit la cause, la population se voit contrainte de supporter dès l'aube d'interminables files d'attente à l'entrée de nombreux magasins pour espérer parvenir à se procurer poulet, riz, lait, sucre, farine, café, couches, détergent, préservatifs, anticontraceptifs, analgésiques ou papier-toilette. Par exemple.

Dans ce contexte, le président Maduro, élu de justesse en avril 2014, et qui ne dispose pas du charisme de son prédécesseur lui permettant de séduire les foules dans l'adversité, a vu sa popularité s'effondrer, pour s'afficher à seulement 22 % d'opinions favorables, à quelques mois des élections législatives de fin 2015.

Et à cette impopularité s'ajoutent désormais les critiques qui commencent à émerger de certains secteurs «chavistes», notamment parmi les plus orthodoxes.