Salvador Sanchez Ceren, ancien commandant de la guérilla et candidat de l'ex-rébellion au pouvoir depuis 2009 au Salvador, a revendiqué une victoire serrée à la présidentielle dimanche face à Norman Quijano, un ancien dentiste conservateur soutenu par les milieux d'affaires qui a dénoncé des fraudes.

Selon le Tribunal suprême électoral (TSE), l'ex-guérillero Salvador Sanchez Ceren, candidat du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN), a obtenu 50,11 % des voix contre 49,89 % pour le candidat de droite Norman Quijano, après le dépouillement de 100 % des bulletins.

L'ex-guerillero l'emporte avec seulement 6448 votes d'avance sur Quijano, une «photo finale» surprenante alors que les sondages promettaient à la gauche 10 à 18 points d'avance.

«Nous l'avons emporté au premier tour et maintenant nous avons triomphé au deuxième. Il faut que le Salvador respecte la volonté du peuple», a lancé Sanchez Ceren, l'actuel vice-président de 69 ans, devant un millier de ses partisans clamant «Oui, on peut» et «le peuple uni jamais ne sera vaincu».

Un peu plus tôt, l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA, droite) avait elle aussi annoncé la victoire de son candidat Norman Quijano, ancien maire de la capitale, San Salvador.

Devant l'étroitesse de l'écart, le président du TSE, Eugenio Chicas, a demandé qu'aucun des candidats ne proclame sa victoire et a appelé à la «prudence». Le TSE a également ordonné un décompte manuel des bulletins, qui commencera lundi et pourrait durer trois jours.

Peu après, Norman Quijano a accusé la gauche au pouvoir d'orchestrer «une fraude» avec les autorités électorales, et a rejeté les résultats donnant une avance minime à son opposant.

«Nous n'allons pas permettre des fraudes dans le genre chaviste ou de Maduro comme au Venezuela. Ici, c'est le Salvador», a déclaré M. Quijano devant des centaines de partisans, agitant, comme il l'a fait durant la campagne, l'épouvantail vénézuélien, le gouvernement du socialiste Nicolas Maduro étant contesté dans la rue depuis plus d'un mois par des étudiants et l'opposition, provoquant de nombreux affrontements entre police et manifestants.

Les deux candidats se sont affrontés lors de ce second tour de l'élection présidentielle pour un mandat unique de cinq ans.

M. Ceren avait manqué d'un cheveu l'élection dès le premier tour, le 2 février, avec 49 % des voix.

M. Ceren a promis d'approfondir les programmes sociaux initiés par le gouvernement, qui sont parvenus à faire diminuer de presque six points un taux de pauvreté s'établissant désormais à 40 % de la population, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Trêve des «maras»

M. Quijano s'est engagé, lui, à «améliorer» les dispositifs sociaux existants et à s'attaquer à la criminalité, marquée par les activités des «maras», des bandes criminelles constituées de jeunes gens reconnaissables à leurs multiples tatouages et se livrant notamment aux extorsions et à divers trafics.

Malgré une trêve observée depuis deux ans entre les deux principales «maras», qui a permis de faire chuter les homicides de 14 à moins de sept par jour, celles-ci poursuivent activement leurs activités criminelles, notamment les rackets.

Pourtant, le thème n'a pas dominé la campagne, et les deux candidats se sont accordés à promettre des programmes de prévention, de réinsertion et de soutien à la police.

Le scrutin avait été placé sous la surveillance de 40 000 policiers et militaires, ainsi que de 2000 délégués d'organisations et de gouvernements étrangers.

Salvador Sanchez Ceren

Cet ancien guérillero qui a remisé l'uniforme il y a 22 ans pour se consacrer à la politique s'était fixé pour but de devenir le premier ex-combattant marxiste de la guerre civile (1980-1992) à passer l'écharpe présidentielle.

Âgé de 69 ans, l'actuel vice-président du modéré Mauricio Funes fut l'un des 10 membres de la guérilla du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN) signataires des accords de paix ayant mis fin à ce conflit qui a fait quelque 75 000 morts.

Adepte des discours enflammés, l'ex-professeur et ministre de l'Éducation au sourire avenant explique aujourd'hui avoir «lutté toute sa vie» pour les pauvres, qui représentent 40 % de la population de son petit pays, selon les Nations unies.

Diplôme de professeur en poche à 19 ans, il a nourri sa révolte dans les écoles de la région déshéritée de Libertad (sud), où il a fait ses débuts comme militant syndical avant de se distinguer dans la capitale lors des grandes grèves de 1969 et 1971.

Son virage dans la clandestinité s'est opéré dans les années 1970. En 1980, il participe à la création du FMLN, qui s'engage dans la lutte armée contre le gouvernement.

Surnommé commandant «Leonel Gonzales» sur le front, il passa l'essentiel de la guerre dans les montagnes de la région de Chalatenango (nord), théâtre d'intenses affrontements contre l'armée.

Juan Garcia, un milicien l'ayant accompagné pendant le conflit, le décrit aujourd'hui comme une personne «ordonnée, sérieuse, solidaire, prudente et peu encline à la plaisanterie».

Il a assisté au château de Chapultepec (Mexique) à la signature des accords de paix conclus sous la pression croissante de l'armée soutenue par Washington.

Il a ensuite supervisé la destruction des armes de la rébellion à El Paisnal, près de San Salvador, une étape obligatoire avant la légalisation du FMLN comme parti politique, effective en décembre 1992.

Élu député en 2000, il le restera jusqu'à sa désignation à la vice-présidence en 2009 par Mauricio Funes, l'ex-journaliste qui a porté le FMLN à la présidence.

Jusqu'en 2012, il cumula ces fonctions avec celles de ministre de l'Éducation, fonction dans laquelle il a acquis une forte popularité en lançant de nombreux projets sociaux tels que les «paquets scolaires», trousseaux de vêtements, chaussure et matériel scolaire offerts aux écoliers.

Auteur de plusieurs ouvrages, il a publié en 2008 son autobiographie, La vie s'écrit avec les rêves, dans laquelle il estime que la mémoire historique «est une nécessité éthique et sociale».

Il est marié et père de quatre fils.

Norman Quijano

Norman Quijano, un anticommuniste farouche de 67 ans, est un ancien dentiste devenu maire de San Salvador, investi par l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA) pour tenter de déloger l'ex-rébellion de la présidence conquise en 2009.

Peu charismatique et autoritaire selon ses détracteurs, cet homme à la moustache et au cheveu grisonnants est considéré comme sérieux et compétent parmi les milieux d'affaires et les médias privés qui le soutiennent.

Arborant immanquablement un bracelet aux couleurs bleu rouge et blanc de son parti, M. Quijano a reçu son diplôme de dentiste à l'Université du Salvador en 1977.

Ses premiers pas en politique datent de 1989 lorsqu'il fut nommé dans l'équipe du maire de San Salvador Armando Calderon, qui fut ensuite président de 1994 à 1999.

Entre 1994 et 2009, M. Quijano fut député avant d'emporter à son tour la mairie de la capitale, à laquelle il fut réélu en 2012.

En 2011, il fut victime d'une alerte cardiaque, ce qui l'oblige aujourd'hui à effectuer une heure quotidienne d'exercice physique.

«J'ai toujours été très honnête», plaidait-il pendant la campagne, confiant abhorrer par-dessus tout «le désordre et le communisme».

Par ailleurs, il ne s'est jamais caché d'avoir pour modèle le fondateur de l'ARENA, Roberto D'Aubuisson, soupçonné d'être à l'origine de l'assassinat de l'archevêque Oscar Arnulfo Romero le 24 mars 1980, qui avait précipité le pays dans la guerre civile.

Séparé de son épouse, M. Quijano a quatre filles. Il avait prévu de promouvoir l'aînée, Lisseth, première dame en cas de victoire.

PHOTO INTI OCON, AFP

Norman Quijano