Ils sont venus par milliers, catholiques, athées, communistes et simples curieux, sur la place de la Révolution de La Havane pour saluer mercredi Benoît XVI, mais beaucoup de Cubains avaient en tête le souvenir nostalgique de la première visite papale à Cuba, celle de Jean Paul II en 1998.

Dans l'immensité de la place de la Révolution, où chacun y va de son drapeau, de Cuba, du Vatican ou de son quartier, ils sont pourtant nombreux -y compris l'athée convaincue Doris Rivero- à courir dans tous les sens pour trouver le bon angle et faire la bonne photo du pape arrivant dans sa papamobile.

«C'est beau. C'est grand. C'est une expérience que je vis pour la deuxième fois, parce que j'étais déjà là pour Jean Paul II, c'était une apothéose», se souvient Ana Maria Gomez, une fervente catholique de 77 ans, le visage marqué par la fatigue de l'attente.

Sur un autel de 240 m2 flanqué de colonnes de sept mètres de haut et d'une statue de la Vierge de la Charité d'El Cobre, sainte patronne de Cuba dont il est venu célébrer le 400e anniversaire de la découverte, le pape a célébré mercredi sa seconde messe en plein air à Cuba, après celle de lundi à Santiago de Cuba, à l'autre bout de l'île.

Derrière l'autel, planté à l'endroit même où Fidel Castro a prononcé d'innombrables de ses discours-fleuve enflammés, veille la statue géante de José Marti, «apôtre» de l'indépendance de Cuba.

Face au pape, deux effigies gigantesques d'Ernesto Che Guevara et de Camilo Cienfuegos, deux des «héros» de la Révolution qui ont porté Fidel Castro au pouvoir en 1959. Sur les côtés, une affiche de 17 mètres de haut de la Vierge de la Charité et une banderole assurant «la Charité nous unit» peinent à donner une note liturgique à ce haut-lieu des manifestations populaires du régime communiste cubain.

«Cuba et le monde ont besoin de changements, mais ceux-ci n'auront lieu que si chacun se trouve dans les conditions de s'interroger sur la vérité et se décide à prendre la voie de l'amour, semant la réconciliation et la fraternité», affirme le pape à la fin de son homélie.

Quatorze ans plus tôt, devant près d'un million de personnes -il étaient 300 000 mercredi selon une estimation du Vatican-, Jean Paul II avait lancé son fameux: «que Cuba s'ouvre au monde et que le monde s'ouvre à Cuba».

Et provoqué ainsi le dégel des relations entre l'Eglise catholique et le régime communiste après trois décennies de tensions.

«C'était un pape plein de charisme, plein de joie», se souvient de Jean Paul II Ana Maria Gomez, venue à la messe avec son drapeau arc-en-ciel de l'orgueil gay marqué du mot «peace» («paix» en anglais). «C'est ma fille qui me l'a ramené d'Italie», sourit-elle.

Autour d'elle, nombreux sont les non catholiques. Particulièrement les adeptes des rites afro-cubains, notamment la santeria, qui mêlent catholicisme et spiritualités africaines. Mais aussi, des communistes convaincus, des athées et des simples curieux, allant et venant sur la place durant l'office religieux.

Absents en 1998, plusieurs centaines de fidèles cubains sont venus des États-Unis, grâce aux allègements des interdictions de voyage décidés par le président Barack Obama en 2011. Et beaucoup de touristes étrangers profitant de leurs vacances pour voir le pape.

Comme la Mexicaine Emma Montes de Oca, qui tient une agence de voyage dans le Yucatan (est). «C'était moins cher pour moi de venir voir le pape à Cuba qu'au Mexique», glisse-telle avant de courir prendre des photos de Benoît XVI.