Pour la première fois depuis plus de 50 ans, les Cubains vont avoir l'autorisation de voyager à l'étranger, mais dans des conditions qui restent encore à définir dans le cadre des réformes lancées par le président Raul Castro.

Dans la version finale des 313 réformes économiques récemment adoptées par les autorités cubaines, figure en effet «l'étude des dispositions qui permettront aux Cubains de voyager à l'extérieur en tant que touristes».

Sans être formellement interdits, les voyages à l'étranger sont aujourd'hui soumis à de multiples barrages bureaucratiques et coûtent très cher. Hormis les sportifs, les artistes, les universitaires et quelques hommes d'affaires, très peu de Cubains ont la chance de pouvoir se rendre à l'étranger.

Le droit de voyager est une des principales revendications des Cubains qui doivent aujourd'hui présenter une invitation de l'étranger et demander une autorisation spéciale, qui peut être refusée sans justification particulière.

L'autorisation de voyage coûte 110 euros et n'est valable que 30 jours. Elle peut être renouvelée pour d'autres périodes de 30 jours -et contre paiement de 40 euros à chaque fois- dans une limite de 11 mois, au-delà de laquelle le Cubain peut être déclaré «déserteur». Tous ses biens sont alors susceptibles d'être saisis.

Les formalités administratives à Cuba et dans les consulats cubains à l'étranger portent généralement le coût total de l'autorisation de voyager à environ 300 euros. Dans un pays où le salaire mensuel moyen est de l'ordre de 15 euros, la perspective d'un voyage à l'étranger relève donc le plus souvent du rêve.

Pendant des décennies, le touriste cubain était généralement un travailleur «méritant», récompensé par un voyage d'agrément dans une des républiques socialistes d'Europe de l'Est... Depuis l'implosion du bloc soviétique au début des années 90, le touriste cubain est très rare.

De nombreuses personnalités cubaines, jusqu'à l'auteur-compositeur Silvio Rodriguez, la «voix de la Révolution», ont demandé aux autorités d'assouplir les conditions de voyage des Cubains.

La version finale des réformes économiques -annoncées à l'automne, amendées et adoptées par un congrès historique du Parti communiste cubain (PCC) en avril et publiées en détail lundi- comprend d'autres mesures à fort impact social.

La vente et l'achat de véhicules et de logements ou l'élargissement à tous du crédit bancaire devraient aussi bouleverser la vie quotidienne des Cubains.

Près de 90% des Cubains sont propriétaires de leur logement ou versent des loyers très faibles à l'Etat propriétaire. Ils ne payent pas d'impôts dessus, mais ne peuvent pas les vendre.

Les seuls mouvements se font à l'occasion d'une «permuta», un troc entre deux appartements ou maisons. Ces échanges ont donné naissance il y a de nombreuses années déjà à une vaste économie souterraine pouvant impliquer de très fortes sommes d'argent.

De même, les automobiles ne peuvent être vendues qu'avec l'autorisation de l'Etat ou si elles datent d'avant la Révolution. D'où le succès des vieilles Cadillac ou Buick américaines qui constituent encore une part très importante du parc automobile cubain.

Le plan de réformes comprend aussi certaines mesures nouvelles pour le tissu économique : la possibilité de liquidation des entreprises d'Etat déficitaires, l'extension de la création de coopératives à divers secteurs afin de favoriser la création d'un solide ensemble de petites et moyennes entreprises.

Ou encore la décentralisation de la production agricole, gros point noir de l'économie cubaine qui doit importer 80% des produits alimentaires dont elle a besoin.

Autant de mesures indispensables, selon le président Raul Castro, pour éviter «un naufrage général» du modèle économique cubain, calqué sur celui de l'Union soviétique des années 70.