Monterrey, vitrine industrielle et universitaire du nord du Mexique est en proie à son tour depuis un an à la violence des cartels de la drogue, et commence à connaître un phénomène de fuite de cadres et de cerveaux.    

Attaques à la grenade contre la police, passants victimes de balles perdues, extorsion de commerçants et enlèvements secouent la ville.

Dans l'ensemble de l'État, le Nuevo Leon, le nombre d'homicides a augmenté de 300% l'an dernier, avec un total de 828 victimes, dont plus de 500 mises sur le compte de la violence des narcotrafiquants.

«Nous avons eu un assassinat, une exécution ou un homicide toutes les six heures», a dit à l'AFP Eloy Cantu, sénateur de l'État du Nuevo Leon.

Selon les autorités, le Nuevo Leon subit la contagion des luttes sanglantes que connaît l'État voisin du Tamaulipas (nord-est) entre le cartel du Golfe et ses anciens hommes de main des «Zetas».

Cette vague de violence est ressentie comme un choc pour la troisième ville du Mexique qui compte 4 millions d'habitants, de nombreux sièges sociaux de sociétés étrangères - comme General Electric ou Whirlpool- et dont le «Tecnologico» de l'université de Monterrey attire des étudiants venus des États-Unis, de France ou du Japon.

Située à 225 kilomètres au sud du Texas, Monterrey avait été notée comme la meilleure ville d'Amérique latine pour les affaires par le magazine américain Fortune en 1999.

«C'est la même raison, faisant de Monterrey un important centre industriel, qui rend la ville si attirante pour les cartels», estime Scott Stewart, du groupe d'analyse Stratfor, basée au Texas.

Certaines familles aisées ont commencé à quitter la ville pour s'installer aux États-Unis, ou vers d'autres villes du Mexique, comme la capitale, Mexico.

Au centre ville, dans le «barrio antiguo» (le quartier ancien), les propriétaires de bars de restaurants sont victimes d'un phénomène croissant d'extorsion et les panneaux «à louer» se multiplient.

En août dernier, le Département d'État a donné pour consigne à ses diplomates de retirer leurs enfants de Monterrey, après une fusillade à proximité de l'école américaine.

«Nous faisons plus attention et je prends une voiture plus banale que celle que j'avais auparavant pour venir a l'usine», dit Jacques Maurin, patron français d'une entreprise d'éclairage, l'un des rares à s'exprimer ouvertement sur la situation.

Bien que la croissance reprenne au Mexique après la crise économique, la prudence est de mise concernant l'avenir de la ville qui produit huit pour cent du PIB du pays.

Pour l'instant, aucune compagnie importante ne s'est retirée de Monterrey, mais les mesures de sécurité ont augmenté les coûts de certaines d'entre elles.

Les autorités universitaires ne font pas de commentaires sur le sujet, mais un étudiant espagnol a affirmé à l'AFP que le nombre des étudiants étrangers a baissé d'environ 500 cette année, soit 20%.

L'État du Nuevo Leon a annoncé un budget record en matière de sécurité pour cette année. Mais les responsables sont confrontés à une corruption à grande échelle au sein des forces de police, souvent liées aux gangs de la drogue.

Environ 500 policiers du Nuevo Leon et 40% des effectifs de la police municipale ont été licenciés l'an dernier, a indiqué à l'AFP Jorge Domene, porte-parole de l'État pour la sécurité publique.

Pour lui, la racine de la violence c'est l'inégalité sociale.

«Il y a beaucoup de jeunes sans perspectives. Ils préfèrent mourir après avoir vécu quelques années dans l'illusion trompeuse de la richesse, de l'opulence et du pouvoir», dit Domene.