Le Chili votait dimanche pour un successeur à la présidente socialiste Michelle Bachelet, avec un prospère entrepreneur de 60 ans, Sebastian Pinera, favori pour ramener la droite au pouvoir après 20 ans de gouvernements de centre-gauche depuis la fin de dictature.

Quelque 8,3 millions d'électeurs votent pour renouveler leur parlement, et pour un scrutin présidentiel voué selon les sondages à un second tour, le 17 janvier, entre Pinera et le candidat du centre-gauche, le démocrate-chrétien Eduardo Frei, 67 ans, déjà chef de l'État de 1994 à 2000.

Bachelet, première femme présidente du Chili, termine son mandat portée par une popularité record, 75-80% récemment, qui lui aurait assuré une rééelection aisée. Mais la Constitution interdit deux mandats consécutifs.

Les bureaux de vote ouverts à 07H00 locales, le resteront pendant neuf heures. De premières estimations officielles devraient être connues après 19H00.

«Le temps de la Concertation (coalition au pouvoir, Ndlr) est passé (...), les Chiliens savent bien qu'elle est épuisée depuis longtemps», a lancé M. Pinera en clôture de campagne, martelant le thème d'une «fin de cycle» après quatre gouvernements de centre-gauche depuis 1990.

Une victoire de Pinera ramènerait la droite par les urnes pour la première fois depuis 51 ans, et le président Jorge Alessandri. Seule la longue nuit de la dictature d'Augusto Pinochet, qui fit 3.100 morts et disparus entre 1973 et 1990, brisa depuis la domination politique du centre-gauche.

Le multimillionaire Pinera, un candidat de droite modérée battu en 2005 par Bachelet, mène les sondages depuis des mois, avec dernièrement 13 points d'avance (44% contre 31%) sur Eduardo Frei.

Au second tour, Pinera est également favori des sondages contre Frei avec 49 contre 32%, mais une incertitude plane sur le report des voix du candidat independant, l'ex-socialiste Marco Enriquez-Ominami, crédité de 17% en 3e position au premier tour.

Ce jeune député, fils d'un militant d'extrême-gauche tué par la dictature et qui a grandi en exil en France, a bsouculé en 2009 la scène politique chilienne d'ordinaire figée, mordant dans l'électorat de gauche comme de droite.

Le communiste Jorge Arrate, crédité de 7% des voix, s'est engagé à un pacte avec Frei pour faire échec à la droite au 2e tour.

Le scrutin chilien, selon les analystes, porte plus sur un changement de barreur que de cap, tant est ancré le consensus sur l'économie sociale de marché, et la prudente gestion macro-économique qui a valu au Chili, en pleine crise, les louanges internationales, malgré ses 12 mois de croissance négative.

Reste que l'emploi a chuté en 2009 (9,7% de chômage), et malgré la reprise attendue (4-5% en 2010), la crise a durement touché une classe moyenne «desenchantée» et tentée par le changement, reconnait Frei, alors que la politique sociale de Bachelet allégeait surtout l'impact pour les couches défavorisées.

Pinera, le «Berlusconi chilien» pour ses adversaires, a promis un million de nouveaux emplois, et d'insuffler à l'économie son succès en affaires, à l'image de ses intérêts multiples, de la monétique aux médias, de la pharmacie à l'aviation.

«Le Chili n'a pas besoin d'un manager, il a besoin d'un président», a plaidé Frei. Il a tenté en campagne d'altérer son image de politique au pédigrée irréprochable, mais auquel manque à la fois de la spontanéité de Bachelet, l'énergie de Pinera, ou la jeunesse d'Enriquez-Ominami.