Accès pour tous aux matches de foot à la télévision ou interventionnisme de l'État : une polémique a éclaté en Argentine après la résiliation par l'Association argentine de football (AFA) du contrat sur les droits de transmission avec les chaînes de télévision.

Le contrat, signé il y a 18 ans, liait l'AFÀ à la Television Satelital Codificada (TSC) et à Torneos y Competencias (TyC), qui commercialisent les droits télévisés du championnat et devait rester en vigueur jusqu'à la saison 2013-2014. Dans un pays passionné de foot, seuls les Argentins aisés abonnés au câble peuvent voir leur équipe en direct à la télévision. Les autres doivent attendre le dimanche soir pour voir un résumé des buts sur la chaîne hertzienne 13. Le sélectionneur argentin Diego Maradona s'est déclaré en mai favorable à «une initiative qui permette à tous les Argentins de voir gratuitement les grands événements sportifs et d'ouvrir le sport au plus grand nombre».

La présidente Cristina Kirchner avait lancé en mars le débat sur une nouvelle loi de radiodiffusion limitant les monopoles dans l'audiovisuel. Elle avait alors dénoncé des «puissants intérêts», sans mentionner son rival le groupe Clarin, principal groupe argentin multimédias.

«Il fallait mettre un terme à ces pratiques monopolistiques», a déclaré jeudi son mari, l'ancien chef d'État Nestor Kirchner (2003-2007) qui a démissionné de la présidence du parti péroniste au pouvoir après sa déroute aux élections législatives de mi-mandat le 28 juin.

L'opposition a condamné à l'avance toute intervention de l'État.

«L'utilisation des ressources de l'État dans le financement du football est une nouvelle folie des Kirchner», a dit le tombeur de Nestor Kirchner aux élections, le millionnaire Francisco de Narvaez, péroniste dissident.

L'AFÀ avait voulu renégocier le contrat pour venir en aide aux clubs endettés à hauteur de 180 millions de dollars, mais devant l'échec des discussions, a décidé de le rompre.

Le gouvernement serait, selon la presse argentine, disposé à investir 1,57 milliard de dollars dans un contrat sur 10 ans, ce qu'il dément.

«Le gouvernement n'a aucun intérêt à étatiser le football», a déclaré jeudi soir son chef, Anibal Fernandez, à l'issue d'une réunion entre le président de l'AFA, Julio Grondona, également vice-président de la Fédération internationale du football (FIFA), et Mme Kirchner. «Nous allons chercher une solution sérieuse sans que l'État ne dépense un seul centime», a-t-il assuré.

Pour Luis Alberto Quevedo, spécialiste des médias à l'Université latinoaméricaine de sciences sociales (FLACSO), «la pire des solutions, ce serait de passer d'un monopole privé à un monopole public».

En toile de fond, il y a la sourde bataille entre les Kirchner, en froid avec la presse argentine, et le groupe Clarin.

La phrase de Nestor Kirchner lors d'un meeting : «T'as un problème Clarin ? T'es nerveux ?» a fait le tour du web et résume à elle seule le conflit.

Clarin, très critique de la gestion des Kirchner, contrôle, ensemble avec des fonds d'investissements américains, TSC et TyC.

TSC a annoncé qu'il prendra «toutes les mesures légales afin de sauvegarder ses droits». Elle s'estime lesée à hauteur de 389 millions de dollars, soit son revenu annuel jusqu'en 2014.

«Une chose est sûre: c'est l'État qui a rendu possible la rupture de l'AFÀ avec TyC et TSC», relève Glenn Postolski, de l'Université de Buenos Aires. Pour lui, «cette affaire permet au parti au pouvoir, qui n'a plus de majorité au Congrès, de montrer qu'il a encore une capacité d'initiative malgré sa déroute électorale».