Vingt ans après sa création et sept ans après le 11 septembre 2001, Al-Qaeda divise officiels et experts internationaux: pour certains, le réseau terroriste a entamé son déclin; pour d'autres, il est plus actif et dangereux que jamais.

Les optimistes se félicitent de la «quasi-défaite» des émules d'Oussama ben Laden en Irak, du succès de la répression en Arabie saoudite, de l'incapacité, depuis trois ans, à organiser de spectaculaires attentats en Occident, du retournement de larges pans des opinions publiques dans les pays arabes ou musulmans, horrifiés par les victimes civiles provoquées par les attaques-suicide.

Ils insistent aussi sur les condamnations publiques de plusieurs théoriciens ou anciens de l'islamisme radical, dont les critiques sont d'autant plus efficaces qu'elles se situent sur le terrain idéologique.

Mais les pessimistes soulignent la liberté d'action quasi-totale dont bénéficie la nébuleuse terroriste dans les zones tribales du Pakistan et dans des régions entières en Afghanistan, où des volontaires affluent du monde entier, l'impossibilité d'entraver la propagande jihadiste violente sur Internet et le rôle d'inspirateurs et d'instigateurs que continuent de jouer l'insaisissable fondateur d'Al-Qaeda et son adjoint Ayman Al-Zawahiri.

«L'un dans l'autre, on s'en sort pas mal», se félicitait, au printemps, le directeur de la CIA, Michael Hayden, citant «la quasi-défaite stratégique d'Al-Qaeda en Irak, la quasi-défaite stratégique d'Al-Qaeda en Arabie saoudite. Des revers significatifs pour Al-Qaeda à l'échelle mondiale (...) du fait qu'un peu partout dans le monde islamique on repousse leur forme de l'islam».

Lundi, le chef du renseignement allemand (BND) Ernst Uhrlau assurait que «Al-Qaeda n'était plus en situation de préparer et d'exécuter tranquillement des attentats d'une importance comparable à ceux du 11 septembre» même si ses chefs restaient «la source d'inspiration idéologique pour les jihadistes du monde entier».

Pour l'expert américain Marc Sageman, psychiatre et ancien officier-traitant de la CIA au Pakistan, les deux premières générations d'Al-Qaeda (les chefs historiques et leurs élèves formés dans les camps afghans avant 2001) ont été mises en déroute.

Ne restent opérationnels, selon lui, que «la troisième vague», des groupes autonomes auto-radicalisés, via Internet, difficiles à repérer ou infiltrer mais manquant d'expérience et de technique pour lancer des attaques dévastatrices.

Toutefois, pour de nombreux autres spécialistes, comme le pakistanais Ahmed Rashid, le fait de disposer, aux confins du Pakistan et de l'Afghanistan, d'un sanctuaire de plus en plus sûr fait «qu'au lieu de faiblir, la menace d'Al-Qaeda et de ses alliés s'est aggravée».

Ben Laden et ses adeptes «jouissent d'un refuge dans les zones tribales pakistanaises, aux côtés d'une pléthore de groupes terroristes asiatiques et arabes dont les activités s'étendent jusqu'en Europe et aux États-Unis», affirme-t-il.

Il suffit qu'un ou deux jeunes jihadistes occidentaux, par exemple, parviennent à les y contacter pour se changer en menaces mortelles à leur retour.

Même les succès en Irak ne pourraient être qu'en trompe-l'oeil, prévient l'Américain Michael Scheuer, ancien chef à la CIA de «l'unité ben Laden».

«Oui, nous avons gagné du temps en Irak en payant la moitié des insurgés pour qu'ils combattent à nos côtés et tuent leurs cousins d'Al-Qaeda» écrit-il. «Mais cela ne veut pas dire qu'Al-Qaeda est vaincue».

«Parce que c'est une idéologie, pas une armée (...) Tant que nous continuerons à dominer le monde musulman avec nos hélicoptères Apache, nos tanks, nos Humvees et nos +amis+ les dictateurs, Al-Qaeda subsistera».