La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, dont le pays a durci le ton envers la Russie, était attendue vendredi en Géorgie pour y présenter des «clarifications» sur le plan de paix approuvé par Moscou et Tbilissi, qui accuse l'armée russe de poursuivre son avancée.

Environ 130 blindés russes ont quitté jeudi la ville de Zougdidi, dans l'ouest de la Géorgie, près de la république indépendantiste d'Abkhazie, et ont pénétré plus avant en territoire géorgien, a à cet égard affirmé dans la soirée le porte-parole du ministère géorgien de l'Intérieur Chota Outiachvili.

La colonne, qui s'est engagée sur la route de Koutaïssi, la deuxième plus grande agglomération du pays, s'est arrêtée dans le village de Teklati, à une quarantaine de kilomètres au sud de Zougdidi, a-t-il précisé.

L'armée russe est accompagnée en Géorgie, dont elle contrôle «un tiers» du territoire, par «des milliers et des milliers de soldats irréguliers» pillant, et violant la population civile, s'est, en outre, emporté jeudi le président géorgien Mikheïl Saakachvili.

Avant son départ pour Tbilissi, Condoleezza Rice, a appelé, avec le président français Nicolas Sarkozy, les Géorgiens et les Russes à signer «sans délai» le plan de paix en six points accepté mardi par les deux belligérants.

Ce document prévoit le retour des combattants géorgiens dans leurs casernes et le retrait des troupes russes sur leurs positions d'avant le début, le 8 août, du conflit dans la région séparatiste d'Ossétie du Sud.

Mais la Géorgie soupçonne les Russes de traîner les pieds.

De plus le président Dmitri Medvedev a fait savoir que Moscou pourrait reconnaître l'éventuelle indépendance des régions séparatistes géorgiennes, alors que George W. Bush a assuré aux dirigeants d'Ukraine et de Lituanie qu'il restait entièrement attaché à «une Géorgie souveraine et libre et à son intégrité territoriale».

L'ambassadeur russe à l'ONU Vitaly Tchourkine s'est néanmoins dit optimiste quant à l'approbation par le Conseil de sécurité des Nations unies d'un projet de résolution officialisant le cessez-le-feu entre Moscou et Tbilissi, négocié par Nicolas Sarkozy. Ce dernier s'est, de son côté, entretenu de la crise en Géorgie avec les chefs des gouvernements polonais, italien et britannique, Donald Tusk, Silvio Berlusconi et Gordon Brown.

La visite de Mme Rice à Tbilissi, qui s'y était déjà rendue les 9-10 juillet, s'inscrit dans un contexte de fortes tensions américano-russes que devrait contribuer à accroître l'accord conclu jeudi soir sur l'implantation en Pologne d'éléments du bouclier antimissile américain.

Illustration de la fermeté affichée par Washington envers Moscou, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, bien qu'il ait exclu le recours à une intervention militaire de son pays dans le conflit russo-géorgien, a averti que les relations américano-russes risquaient d'être affectées à long terme si les Russes ne changeaient pas d'attitude.

Pour la deuxième fois, l'armée américaine a annulé un exercice militaire qu'elle devait effectuer en commun avec la Russie, en raison du conflit russo-géorgien. Les Canadiens, qui devaient aussi y participer, à la fin du mois, ont pris une décision identique.

Quant aux autorités russes, elles ont continué à fustiger les Etats-Unis pour leur responsabilité présumée dans l'opération militaire géorgienne ayant déclenché les affrontements et les ont mis en garde contre tout soutien à Tbilissi qui risquerait d'aboutir à «la répétition du tragique scénario» de l'Ossétie du Sud.

Concernant la situation humanitaire en Géorgie, où l'accès aux zones ayant besoin d'une assistance ne s'est pas amélioré, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit jeudi «extrêmement préoccupé».

Les Etats-Unis, de même que la France, ont, pour leur part, dépêché de nouveaux avions de transport chargés d'aide destinée aux victimes du conflit en Géorgie.

Toutefois, un haut responsable de l'armée russe s'est interrogé sur la nature réelle des chargements envoyés par Washington.

«Demandons à la partie américaine de nous convaincre que les cargaisons de ses avions de transport sont de l'aide humanitaire», s'est exclamé le chef adjoint d'état-major Anatoli Nogovitsyne. «Pourquoi ne pas lever le rideau sur ce qui est livré ? Nous, les Russes, cela nous inquiète», a-t-il ajouté.

Rare lueur d'espoir sur le terrain, l'ambassadeur de France à Tbilissi, Eric Fournier, a annoncé l'engagement de la Russie de retirer, au plus tard vendredi, ses militaires de Gori, dans le centre de la Géorgie.

Une série d'explosions avaient été entendues jeudi par un journaliste de l'AFP autour de cette ville, la principale à proximité de l'Ossétie du Sud.

Le commandement russe a déclaré mercredi que ses soldats resteraient deux jours dans la cité en vue d'assurer un transfert progressif de son contrôle aux forces de l'ordre géorgiennes.

Quant à l'Ukraine, également critiquée par Moscou pour son soutien à Tbilissi, elle a fait savoir jeudi que les navires de guerre russes partis de Sébastopol (péninsule ukrainienne de Crimée, sud) pour appuyer les «forces de paix» russes en Géorgie devraient demander une «autorisation» à Kiev afin de revenir à leur port d'attache.