(Tbilissi) L’ex-président géorgien emprisonné Mikheïl Saakachvili a estimé mardi que la victoire de l’Ukraine contre la Russie était « inévitable » et qu’elle transformerait la région, dans un entretien avec l’AFP réalisé par écrit depuis son lieu de détention.

« La victoire inévitable de l’Ukraine changera complètement la situation en Géorgie et dans la région », a déclaré M. Saakachvili à l’AFP dans des notes écrites transmises par l’intermédiaire de son avocat.

Selon l’ancien président désormais emprisonné, connu pour ses positions résolument pro-occidentales et qui a aussi occupé des fonctions officielles en Ukraine, les Occidentaux doivent « se préparer » à la désintégration de la Russie.

M. Saakachvili, âgé de 55 ans, avait été arrêté il y a un an à son retour en Géorgie d’un long exil à l’étranger, et emprisonné à la suite d’une condamnation pour « abus de pouvoir » qu’il rejette comme étant politique.

Des médecins ont affirmé que sa vie était en danger en raison de maladies graves dont il souffre depuis son incarcération, pendant laquelle il aurait été empoisonné aux métaux lourds. Sa santé s’est également dégradée à cause d’une grève de la faim de 50 jours visant à dénoncer ses conditions de détention.

Celui qui a dirigé la Géorgie de 2008 à 2013 est aujourd’hui à l’hôpital et a semblé très affaibli lors de récentes apparitions par visioconférence pour des audiences au tribunal.

En raison de ses déboires avec les nouvelles autorités géorgiennes, qu’il accuse de liens avec la Russie, M. Saakachvili s’était vu retirer la nationalité géorgienne et avait acquis la nationalité de l’Ukraine, où il avait fait ses études à l’époque soviétique.

« L’Ukraine est devenue pour de bon la superpuissance de la région et, avec la Pologne, elle détermine tout dans la région, y compris en ce qui concerne la Géorgie », poursuit l’ex-président dans ces notes écrites d’une main tremblante.

Petite république ex-soviétique du Caucase, la Géorgie a été récemment secouée par des manifestations pro-européennes massives contre une loi jugée liberticide et inspirée des pratiques du Kremlin sur les « agents de l’étranger », que le gouvernement voulait faire adopter.

Face à mobilisation, le pouvoir a été contraint de reculer en annulant la loi.

La « désintégration » de la Russie

« En Géorgie, la situation sera fondamentalement modifiée avant même la victoire finale de l’Ukraine », estime Mikheïl Saakachvili.

Ces manifestations ont marqué le point culminant de la colère face à ce qui est perçu par une partie de la société géorgienne comme un recul en matière de démocratie, qui met en péril l’ambition d’intégrer l’UE et l’OTAN.

Le parti au pouvoir du Rêve géorgien et l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie et qui est considéré par ses détracteurs comme celui qui tire les ficelles du gouvernement, sont soupçonnés de collusion avec le Kremlin.

« En Géorgie, tout est clair comme de l’eau de roche : le peuple est uni, nous sommes une nation européenne avec un gouvernement russe », tranche M. Saakachvili.

« Aucun autocrate ne pourra jamais dompter la génération qui a grandi dans une Géorgie libre », ajoute-t-il.

L’ex-président affirme que le gouvernement géorgien de « refuse sur ordre de Moscou de (le) laisser sortir pour un traitement médical à l’étranger ».

Jadis jovial et corpulent, M. Saakachvili, qui pesait 115 kg, a perdu plus de 50 kg depuis sa détention. Il est apparu les joues creuses et les mains tremblantes sur une récente vidéo lors d’une audience au tribunal.

« Mon poids a chuté à un niveau qui, selon les médecins, peut conduire à tout moment à une défaillance de plusieurs organes », affirme encore M. Saakashvili.

Selon le concilium de médecins mis en place par le médiateur géorgien pour les droits humains, le système médical du pays a « épuisé tous les moyens disponibles » pour le soigner.

Mikheïl Saakachvili était à la tête de la Géorgie lors de l’intervention de l’armée russe dans ce pays à l’été 2008. Une partie du territoire géorgien est aujourd’hui sous le contrôle de séparatistes prorusses soutenus par Moscou.

Aujourd’hui, cependant, selon M. Saakachvili, « l’Occident s’est réveillé et s’est uni contre la guerre de Poutine contre l’Ukraine ».

« L’Occident doit accepter la désintégration de la Fédération de Russie et s’y préparer », dit-il.