(Ottawa) Le Conseil de sécurité de l’ONU a donné son sceau d’approbation lundi à l’envoi d’une mission multinationale de maintien de la paix en Haïti. Chapeautée par le Kenya, la mission aura pour objectif de mettre fin aux violences qui font rage au pays et d’ouvrir la voie à la tenue d’élections.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a avalisé à 13 voix sur 15 – la Chine et la Russie se sont abstenues – la résolution corédigée par les États-Unis et l’Équateur, qui prévoit l’envoi de 1000 agents de sécurité venant du Kenya. Elle autorise la force pour un an, avec un réexamen au bout de neuf mois.

La résolution, qui généralise aussi l’embargo sur les armes légères à destination d’Haïti, vient jeter les bases d’une mission fondée sur les « opérations antigangs », vise « la protection des femmes et des enfants » et la « prévention de la violence sexuelle et fondée sur le genre », a cité le représentant de Washington à la table.

Son adoption représente « une lueur d’espoir » pour le peuple qui « subit depuis trop longtemps les conséquences d’une situation politique, socio-économique, sécuritaire et humanitaire difficile », a salué le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean Victor Généus, à la table du Conseil de sécurité, lundi.

« Je note avec satisfaction que la résolution insiste sur l’importance, pour les États participant à la mission, d’assurer le plus haut niveau de transparence en ce qui concerne le comportement disciplinaire des membres de leurs contingents », a-t-il ajouté.

La mission des Nations unies en Haïti (MINUSTAH), qui a duré de 2004 à 2017, a été entachée par des viols commis par des soldats sur de jeunes Haïtiens. Des Casques bleus népalais ont aussi provoqué une épidémie de choléra en jetant des déchets infectés dans l’eau.

Ce sera la première fois qu’une force multinationale est déployée en Haïti depuis cette mission. Les détails de celle-ci demeurent à déterminer. On ignore, par exemple, quand elle se mettra officiellement en branle, et combien d’agents et de policiers y participeront au total.

Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, ainsi que le premier ministre haïtien, Ariel Henry, réclamaient le déploiement d’une force multilatérale depuis un an, le pays étant plongé dans une spirale de violence et d’anarchie.

Le Kenya à la rescousse

L’administration Biden, qui s’est engagée à fournir 100 millions pour financer la mission, avait exercé des pressions importantes sur le gouvernement canadien pour qu’il dirige une force multinationale. C’est finalement le Kenya, nation anglophone située à des milliers de kilomètres d’Haïti, qui a levé la main.

L’ancien ambassadeur du Canada en Haïti, Gilles Rivard, est préoccupé par la suite des choses.

C’est loin d’être évident, ce qui s’en vient. Le Kenya est un pays anglophone, qui n’a jamais été proche d’avoir une ambassade en Haïti.

Gilles Rivard, ancien ambassadeur du Canada en Haïti

En même temps, cette force extérieure aux Nations unies, « ce n’est pas mieux, et ce n’est pas pire qu’une mission de maintien de la paix où des pays comme le Sri Lanka ou le Bangladesh » sont déployés en Haïti, expose l’ancien diplomate.

Mais il reste que la solution à la crise haïtienne devrait être haïtienne, persiste à croire Gilles Rivard.

Le Canada partage la même lecture : le premier ministre Justin Trudeau et l’ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, Bob Rae, ont souvent plaidé qu’il fallait apprendre des erreurs du passé pour justifier leur refus d’envoyer des troupes dans l’île des Caraïbes.

Ils en ont aussi appelé à la tenue d’élections démocratiques. La dernière présidentielle en Haïti remonte à 2016 – et son vainqueur, Jovenel Moïse, a été assassiné en juillet 2021. C’est le premier ministre Ariel Henry qui assure l’intérim au gouvernement depuis ce temps.

PHOTO CRAIG RUTTLE, ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre haïtien, Ariel Henry, lors de son discours à l’ONU, le 22 septembre dernier

« Ça fait 27 mois que le président Moïse a été assassiné, et ça discute encore de comment on va faire un processus électoral. Vingt-sept mois ! Le pays est plongé dans une tempête parfaite, mais on jase », se désole l’ancien ambassadeur Gilles Rivard.

Au siège des Nations unies, il y a environ deux semaines, le premier ministre Trudeau n’a pas voulu dire si le Canada participerait à la mission dirigée par le Kenya. Jusqu’à présent, la Jamaïque, les Bahamas et Antigua-et-Barbuda ont manifesté leur intention de déployer des forces policières aux côtés du Kenya.

Le gouvernement canadien n’avait pas réagi à l’adoption de la résolution onusienne au moment où ces lignes étaient écrites, lundi soir.

L’histoire jusqu’ici

  • Le Conseil de sécurité crée la MINUSTAH dans la foulée du renversement, puis du départ en exil du président Bertrand Aristide en 2004.
  • La mission prend fin en 2017, alors que Jovenel Moïse est président. Il sera assassiné en juillet 2021, plongeant le pays dans une grave crise sécuritaire et politique.
  • Preuve du chaos qui règne en Haïti, un groupe de gangs, le G9, bloque un terminal en septembre 2022, laissant le pays sans carburant pendant plusieurs semaines.
  • En octobre 2022, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, écrit au Conseil de sécurité pour réclamer l’envoi d’une force armée spécialisée en Haïti.