Elián González sur le point de faire son entrée à l’Assemblée nationale cubaine

Elián González, ce garçon de 5 ans au cœur d’une saga américano-cubaine en 1999 et 2000 à la suite du naufrage d’un radeau de fortune, pourrait bientôt devenir député à l’Assemblée nationale de Cuba.

C’est ce qu’a rapporté Granma, organe médiatique du Comité central du Parti communiste de Cuba, dans un article publié le 7 février. Intitulé « Dans quelle mesure le processus de nomination des candidats aux postes de députés au Parlement cubain est-il transparent ? », l’article se réjouit de voir des jeunes comme M. González, maintenant âgé de 29 ans, entrer dans l’arène politique.

Fait à noter, Elián González n’est pas mis en vedette dans l’article. Son nom apparaît dans le dernier tiers de celui-ci.

Selon le quotidien britannique The Guardian, il s’agit d’un « grand honneur » pour le jeune homme, diplômé en génie industriel et qui est « depuis longtemps très critique de la politique américaine envers Cuba ».

PHOTO ALAN DIAZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le 22 avril 2000, à la suite d’une décision de la cour, des agents fédéraux américains investissent la résidence du grand-oncle d'Elián González (à droite), à Miami, et prennent avec eux le garçon pour le ramener à Cuba.

Mais les députés de cette Assemblée nationale jouissent-ils de quelques pouvoirs ? David Abraham, professeur à l’École de droit de l’Université de Miami, croit que oui. « Tous les pays du monde ont des législations », a-t-il dit en entrevue téléphonique.

Tous les pays possèdent des lois s’appliquant à tous les domaines, que ce soit sur l’interdiction de fumer, le mariage gai ou les limites de vitesse. Que ce soit dans un pays à parti unique ou dans une démocratie, ces lois doivent être adoptées.

David Abraham, professeur à l’École de droit de l’Université de Miami

Dans un récent article, le site Association Cuba Coopération France explique que la désignation des députés cubains se fait en plusieurs étapes. D’abord, quelque 19 000 candidats sont désignés par les organisations de masse. Puis, le 5 février, les 168 assemblées municipales ont choisi 4600 précandidats qui se présenteront à l’obtention d’un des 470 sièges. L’appel aux urnes aura lieu le dimanche 26 mars.

« L’Assemblée nationale étant la plus haute instance constituante et législative du pays, ses membres doivent avoir un niveau d’éducation élevé ; 95 % des candidates et candidats ont un niveau d’enseignement supérieur », lit-on sur le site Association Cuba Coopération France.

Porte-voix du pays

La saga d’Elián González commence le 21 novembre 1999 lorsque son embarcation de fortune faisant route entre Cuba et la Floride chavire. Huit personnes cherchant à trouver refuge aux États-Unis perdent la vie, dont la mère et le beau-père d’Elián. Survivant, le garçonnet, qui a eu 6 ans le 6 décembre 1999, est pris en charge par des membres de sa famille réfugiés à Miami.

Mais à Cuba, le père d’Elián réclame son retour. Fidel Castro s’en mêle, et une grande bataille judiciaire s’engage. Le 22 avril 2000, à la suite d’une décision de la cour, des agents fédéraux armés investissent la résidence du grand-oncle du bambin, s’emparent de lui et l’emmènent. Réuni avec son père, Elián est de retour à Cuba en juin 2000.

PHOTO WIKICOMMONS MEDIA

Elián González avec son père et des membres de sa famille. Cette photo a été prise quelques heures après leurs retrouvailles à la base aérienne d'Andrews, le 22 avril 2000.

« C’était la bonne chose à faire. Absolument », dit M. Abraham.

Que ce soit au Canada, aux États-Unis, à Cuba ou ailleurs dans le monde, les parents sont les plus proches des enfants. Ce n’était pas une décision difficile à prendre, mais c’est devenu judiciarisé en raison de la lutte de la communauté cubaine de Miami.

David Abraham, professeur à l’École de droit de l’Université de Miami

Depuis, le jeune homme est devenu une coqueluche dans son pays.

Fidel Castro a assisté à la fête de son 7e anniversaire. Devenu adolescent, il se joint à l’Union des jeunes communistes et entre à l’école militaire à 15 ans. Au fil des ans, il a fait quelques interventions publiques en faveur du régime cubain ou pour dénoncer l’embargo économique exercé par les États-Unis sur Cuba.

Toujours populaire à Miami

Selon M. Abraham, Elián González est encore un sujet de conversation à Miami. « Pas d’une façon incessante, mais oui, il arrive qu’on en parle », a-t-il dit.

D’ailleurs, à l’automne dernier, la compagnie de théâtre Miami New Drama a présenté la pièce de théâtre Elián écrite par Rogelio Martinez.

PHOTO ANDRES MANNER, FOURNIE PAR MIAMI NEW DRAMA

Scène de la pièce de théâtre Elián, présentée à l’automne 2022

« Surprenant et superbement joué », a titré le quotidien Sun-Sentinel dans son édition du 8 novembre 2022 après la première. « Une pièce émouvante, captivante et incisive », a de son côté écrit Aaron Krause, critique de théâtre de MiamiArtZine.

« Il y a un consensus chez les experts selon lequel le ressentiment de la communauté cubaine de Miami concernant la décision de retourner Elián à Cuba a coûté la victoire et la présidence à Al Gore aux élections de 2000 », explique David Abraham.

« Depuis, la communauté a amorcé un mouvement vers la droite qui se poursuit encore aujourd’hui et qui est alimenté par d’autres facteurs, notamment par l’arrivée de réfugiés sud-américains qui sont contre le communisme et la gauche », ajoute-t-il.

Avec The Guardian, NPR et Time

En savoir plus
  • 1,5 million
    Frais publics engagés dans la saga Elián González en date du 28 avril 2000, soit juste après sa prise en charge par les services sociaux américains
    SOURCE : Los Angeles times