(Port-au-Prince) Le président haïtien Jovenel Moïse veut forcer à la retraite, par un arrêté publié dans la nuit de lundi à mardi, trois juges que l’opposition a désignés comme potentiels dirigeants intérimaires, dans un contexte de bras de fer pour la direction du pays.

« Les citoyens Yvickel Dieujuste Dabresil, Wendelle Coq Thelot et Joseph Mécène Jean-Louis, juges à la Cour de cassation, sont mis à la retraite », annonce le numéro spécial du Journal officiel d’Haïti.

Ces trois juges, dans un pays où la justice est théoriquement indépendante selon la Constitution, sont proches de l’opposition politique qui considère que le mandat de M. Moïse s’est achevé dimanche et a par conséquent désigné Joseph Mécène Jean-Louis comme dirigeant intérimaire.

Le juge Yvickel Dieujuste Dabresil, 52 ans, fait partie d’un groupe de 23 personnes arrêtées par la police dans la nuit de samedi à dimanche, accusées par les autorités de « tentative de coup d’État ».  

La loi fondamentale haïtienne énonce que les juges de la plus haute cour d’appel du pays sont « inamovibles » et qu’ils « ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation ».  

Mardi après-midi, le juge Dabresil a été transféré de la direction centrale de la police judiciaire à la prison civile de Croix-des-Bouquets, en banlieue de la capitale.

Le porte-parole de la police nationale, Gary Desrosiers, a confirmé à l’AFP ce transfert, sans détailler les éventuels chefs d’accusation retenus contre le magistrat.

Mardi soir, l’ambassade américaine en Haïti a indiqué sur Twitter que l’arrêté publié au Journal officiel était « en train d’être examiné par les instances internationales en vue de déterminer s’il est conforme à la Constitution et aux lois haïtiennes ».

Les Nations unies se sont déclarées « préoccupées par les développements récents » dans le pays.

« Nous insistons sur l’importance d’assurer la séparation des pouvoirs et la non-politisation et le respect de l’autonomie de l’indépendance d’un pouvoir judiciaire », a déclaré mardi Stéphane Dujarric, porte-parole de l’organisation.

M. Moïse soutient que son mandat à la tête du pays caribéen court jusqu’au 7 février 2022. Mais cette date est dénoncée par une bonne partie de la population haïtienne, selon qui le mandat de cinq ans de Jovenel Moïse est arrivé à terme dimanche 7 février 2021.

Ce désaccord de date est né du fait que M. Moïse avait été élu lors d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard.

Aucune institution haïtienne ne peut aujourd’hui légalement départager ces deux camps qui refusent tout dialogue.

Mardi, après être restés terrés chez eux 48 heures, les habitants de Port-au-Prince continuaient à limiter leurs déplacements au strict minimum, étant donné la tension ambiante.