(La Havane) L’opposition à Cuba a maintenu mardi son appel à manifester le 15 novembre, malgré l’interdiction décidée quelques heures plus tôt par le gouvernement, qui l’accuse de vouloir provoquer un changement de régime avec le soutien de Washington.

« Le 15 novembre, notre décision personnelle sera de manifester de manière civique et pacifique pour nos droits », a annoncé sur Facebook le groupe de débat politique Archipiélago (archipel), à l’origine de cet appel à manifester.

« La réponse du régime est pleine de faussetés, de diffamations et de mensonges », elle « constitue un crime », a-t-il dénoncé, avant d’ajouter : « Face à l’autoritarisme, nous répondrons avec du civisme, encore plus de civisme ».

Dans la matinée, le gouvernement communiste avait signifié aux organisateurs de la manifestation son refus de l’autoriser, trois mois après des protestations de colère historiques.

« Les promoteurs [de cette manifestation] et leurs représentants publics, dont certains ont des liens avec des organisations subversives ou des agences financées par le gouvernement américain, ont l’intention manifeste de promouvoir un changement de système politique à Cuba », selon la réponse officielle des autorités.

Cela « constitue une provocation » et « les raisons invoquées pour manifester ne sont pas reconnues comme légitimes », assurait le gouvernement, rappelant le caractère « irrévocable » du système socialiste cubain, tel que défini dans la nouvelle Constitution adoptée en 2019.

« Un mensonge »

La même réponse a été donnée à La Havane et dans les six autres provinces (sur 15) de l’île (Holguin, Cienfuegos, Pinar del Rio, Las Tunas, Santa Clara et Guantanamo) où une demande de manifestation « contre la violence », pour « la libération des prisonniers politiques » et pour « le changement » avait été déposée.

Reproduites sur les réseaux sociaux, ces demandes invoquaient l’article 56 de la nouvelle Constitution, qui reconnaît le droit de réunion, de manifestation et d’association à des fins licites et pacifiques.

À Washington, le département d’État a réagi en appelant « le gouvernement à La Havane à respecter les libertés et les droits fondamentaux du peuple cubain ».

« L’interdiction d’une manifestation pacifique nous rappelle qu’il y a un peuple cubain qui paie très cher son combat pour la liberté, son combat pour la dignité », a estimé son porte-parole Ned Price, affirmant que ce qui s’est passé lors des manifestations historiques du 11 juillet et après « n’a rien à voir avec les États-Unis ».

En sortant de la réunion avec les autorités municipales, le metteur en scène Yunior Garcia, organisateur de la manifestation à La Havane, a rejeté les accusations des autorités cubaines : « Quoi que fasse le Cubain, ils disent toujours que l’idée est venue de Washington, c’est comme si on ne réfléchissait pas, comme si nous, les Cubains, n’avions pas de cerveau ».

« Évidemment que c’est un mensonge, il n’y a pas de preuves [d’un financement américain] et il n’y en aura jamais », a réagi dans une vidéo publiée sur Facebook Saily Gonzalez, organisatrice de la manifestation à Santa Clara (centre), dénonçant des menaces et coupures de l’internet contre plusieurs militants.

« Pas de violence »

Le gouvernement cubain, qui nie l’existence de prisonniers politiques à Cuba, considère comme illégale l’opposition, qu’il accuse d’être financée par Washington.

La manifestation était prévue initialement le 20 novembre, mais la semaine dernière, le gouvernement a décrété ce jour-là « Jour national de la Défense », précédé de deux journées d’exercices militaires.

« On ne pouvait pas être irresponsables, on ne voulait pas de violence, on ne voulait pas que les Cubains s’affrontent entre eux et on ne pouvait pas lancer les manifestants dans un combat dans la rue contre l’armée, qui pouvait réagir de façon violente », a expliqué Yunior Garcia.

Donc « le plus raisonnable était d’avancer la manifestation » au 15 novembre, jour de la réouverture de l’île au tourisme international.

Cuba avait été secoué le 11 juillet par des protestations de colère, dans une cinquantaine de villes de l’île, qui se sont soldées par un mort, des dizaines de blessés et plus d’un millier de détenus, dont plusieurs centaines restent emprisonnés.

Ces manifestations spontanées, inédites depuis la révolution de 1959, avaient eu lieu aux cris de « Nous avons faim », « À bas la dictature » et « Liberté », sur fond de grave crise économique, la pire depuis 30 ans.

Depuis, plusieurs figures de la dissidence ont été arrêtées, certains comme José Daniel Ferrer et Luis Manuel Otero Alcantara étant emprisonnés depuis le 11 juillet et d’autres, comme Manuel Cuesta Morua, Guillermo Fariñas et Berta Soler, ayant été relâchés après avoir été mis en garde sur leur appel à manifester.