(La Havane) La visite des clowns rend l’attente moins pénible pour Agatha, petite Cubaine de sept ans qui vient de recevoir la troisième et dernière dose de Soberana, le vaccin que teste actuellement l’île pour protéger aussi les enfants de la COVID-19.

Pendant que l’on prend la température à la petite fille, qui rit et chante face au spectacle, sa grande sœur Amanda Medina, adolescente de 16 ans qui rêve d’étudier l’architecture, la regarde, heureuse et soulagée. D’autres enfants « ont souffert » de la COVID-19 et certains en gardent des séquelles, souligne-t-elle.

C’est pour cela « qu’on voulait participer à l’essai clinique, pour que cela n’arrive plus », confie-t-elle, depuis l’hôpital pour enfants Juan Manuel Marquez, à La Havane, où les deux sœurs ont pris part à l’essai mené sur 350 enfants et adolescents âgés de trois à 18 ans.

Dans ce pays où les écoles, après une brève réouverture fin 2020, sont à nouveau fermées depuis janvier, le gouvernement s’inquiète car il est confronté à une forte hausse de contagions, avec au total 602 526 cas dont 4710 morts, pour 11,2 millions d’habitants.

Agatha montre, sur son bras gauche, l’endroit où elle a reçu sa troisième injection, selon un schéma qui combine deux vaccins développés localement, Soberana 2 et Soberana Plus.

Cuba, qui compte aussi un autre vaccin maison, Abdala, est le seul pays d’Amérique latine à avoir développé ses propres vaccins contre la COVID-19, qui ne sont pour l’instant pas reconnus par l’OMS.

Manque de matériel

Le pays a déjà immunisé 3,12 millions d’habitants, loin de son objectif initial de couvrir 70 % de sa population d’ici fin août, mais vise toujours l’immunisation de tous les Cubains vaccinables d’ici fin 2021.

Pourtant, il manque cruellement de matériel et de médicaments : mardi, l’hôpital Juan Manuel Marquez a reçu une nouvelle donation, cette fois de l’Association des Cubains vivant au Royaume-Uni.

Reynaldo Cuba, chercheur principal en charge de l’essai clinique pédiatrique, se veut toutefois optimiste : « Nous sommes convaincus que c’est un succès, c’est un rêve qui devient réalité pour nos enfants », assure-t-il, soulignant le « suivi rigoureux » des participants à l’essai.

Pour les autorités sanitaires cubaines, « c’est très important d’essayer de protéger les enfants contre cette maladie », renchérit sa collègue, Yariset Delgado.

Car « dans notre pays, il y a eu des enfants en état critique ou qui malheureusement sont décédés » du coronavirus, donc « protéger les enfants […], c’est très important pour nous les scientifiques ».

Selon les chiffres du ministère de la Santé datant de début août, 95 100 mineurs ont attrapé la COVID-19 à Cuba et sept en sont morts.

« Confiance »

Ailleurs dans le monde, beaucoup de pays vaccinent à partir de 12 ans, mais plusieurs essais cliniques sur des enfants plus jeunes sont en cours.

En Chine, le laboratoire Sinovac avait annoncé se préparer à vacciner dès l’âge de trois ans contre le coronavirus, tandis qu’en Israël, les enfants âgés de 5 à 11 ans risquant des complications graves liées à la COVID-19 peuvent être vaccinés depuis le 1er août.

Venue accompagner Agatha et Amanda, leur grand-mère Ana Maria Cordero, retraitée de 69 ans, se félicite de cet essai clinique, car son gendre travaille à l’Institut Finlay de vaccination, qui a créé Soberana.

« On a grandement confiance dans les scientifiques cubains, qui ont fait beaucoup de progrès, car en plus on est bien tenus au courant par le papa des filles », raconte-t-elle à l’AFP.

Sur un lit proche, Adrian et Andrés, deux frères de quatre et cinq ans, jouent en attendant la visite médicale après l’injection.

« Nos médecins ont fait tout leur possible et aujourd’hui, on est là grâce à eux, grâce à cet essai », déclare leur mère, Liset Leyva, travailleuse indépendante de 28 ans. « On a bon espoir qu’il aura de très bons résultats ».

Une fois l’essai terminé, il faudra encore attendre le feu vert de l’agence de régulation des médicaments, rappelle le docteur Cuba : maintenant, « cela ne dépend plus de nous ».