(Port-au-Prince) La colère grondait vendredi dans les principales villes haïtiennes et la capitale Port-au-Prince où des milliers de personnes ont protesté dans la rue contre le président, des manifestations au cours desquelles un commissariat a été pris pour cible.

« La grosse mobilisation nationale est annoncée depuis le début de la semaine. On ne voulait pas que les policiers sortent de leur base car c’est cette unité qui tire à balles réelles sur le peuple, qui envoie les grenades lacrymogènes alors qu’on demande juste à être respecté » a déclaré à l’AFP Steven Edgard, un manifestant.  

« Maintenant on prend de quoi améliorer nos maisons, parce qu’on n’en peut plus d’être trempés dès qu’il pleut » a-t-il ajouté.  

Les habitants de Cité Soleil, quartier le plus pauvre de la capitale, s’affairaient en effet dans la matinée à récupérer des tôles des toits et des planchers des bâtiments du commissariat attaqué plus tôt dans la journée.

Légèrement incommodés par le gaz lacrymogène présent dans l’air-un stock de grenades ayant été incendié plus tôt-les riverains ont aussi récupéré du mobilier, ainsi que des équipements de protection de policiers, absents des lieux.  

Gary Desrosiers, porte-parole de la police judiciaire, a indiqué à l’AFP que tout avait été fait « pour éviter les affrontements avec la population ». « Les agents du SWAT (unité d’élite de la police, NDLR) sont venus en renfort pour simplement évacuer les agents » de police qui étaient présents dans l’établissement visé vendredi matin, a-t-il assuré.  

Les manifestants « ont effectivement pillé la base policière, en prenant notamment des uniformes, mais aucune arme n’a été saisie par les manifestants » a tenu à préciser M. Desrosiers.

« Limiter les dégâts »

Des milliers de personnes en colère ont manifesté dans la capitale contre le président Jovenel Moïse, refusant catégoriquement les discussions proposées par le chef de l’État 

« On ne veut pas dialoguer avec Jovenel parce qu’il est impossible de dialoguer avec lui, il l’a déjà montré lors des précédentes crises cette année » a témoigné Axel Richard Timogène, un manifestant.  

Dès les premières heures vendredi, des groupes de jeunes empêchaient tout passage de véhicule sur les principales artères de la ville.  

Lampadaires, pneus enflammés, troncs d’arbres, ou piles de déchets… les imposantes barricades ont été dressées sous le regard impuissant des patrouilles de police présentes sur le parcours de la manifestation.  

« Aujourd’hui, nous avons voulu limiter les dégâts, éviter que la situation dégénère » a expliqué le porte-parole de la police judiciaire.  

Des affrontements violents ont néanmoins opposé policiers et manifestants : aux grenades lacrymogènes, les contestataires ont répondu par des jets de pierres. Nombre de rafales de tirs à balles réelles ont également résonné en fin de manifestation.

Après la dispersion du cortège, plusieurs magasins ont été pillés dans les quartiers les plus aisés de la capitale et une ancienne maison en bois a également été incendiée.

Plusieurs villes de province ont également enregistré des violences vendredi avec l’attaque de postes de police, des incendies de logements précaires et aussi quelques pillages.

De nombreuses manifestations ont secoué Haïti pendant la semaine, la rue n’ayant pas été convaincue par la « trêve » proposée par le président Jovenel Moïse dans un message diffusé à la télévision d’État dans la nuit de mardi à mercredi.  

Gangrenée par plusieurs scandales de corruption contre laquelle la jeunesse manifeste régulièrement depuis plus d’un an, Haïti s’enfonce dans la crise politique : le pays ne dispose que d’un gouvernement démissionnaire depuis six mois et les élections locales et législatives prévues fin octobre n’auront pas lieu, faute de vote sur la loi électorale.