Devant la situation instable en Haïti, le Canada a décidé de fermer son ambassade, mercredi, et réévaluera la situation dans les jours à venir afin d'assurer la sécurité de son personnel et de leurs familles, tandis que de nombreux touristes, des travailleurs humanitaires et même des employés municipaux de Montréal de divers programmes d'échange sont toujours coincés sur place.

Leur départ pourrait être retardé encore de « quelques jours », selon le voyagiste Transat.

Affaires mondiales Canada a d'ailleurs modifié l'avis concernant les voyages dans la Perle des Antilles, conseillant aux voyageurs d'éviter tout séjour non essentiel dans ce pays.

Ottawa affirme cependant que les services consulaires sont toujours fournis par téléphone ou par courriel, 24 heures sur 24, et se dit prêt à fournir toute assistance qui serait requise par ses ressortissants (1-613-996-8885 ou sos@international.gc.ca.)

Touristes prisonniers à l'hôtel

Dans un cas, ce sont un peu plus d'une centaine de touristes québécois qui se trouvent confinés dans un hôtel de la Côte des Arcadins, en Haïti ; les violences qui secouent le pays les empêchent de se rendre à l'aéroport de Port-au-Prince afin de rentrer chez eux.

L'hôtel est situé à environ 75 kilomètres au nord de la capitale d'Haïti. La route 1, la seule qui relie l'établissement à l'aéroport, est jugée extrêmement dangereuse et les gens ne s'y aventurent pas.

« Tant que les clients sont à l'hôtel, ils sont en sécurité et nous attendons de trouver la meilleure solution pour les emmener de manière sécuritaire jusqu'à l'aéroport », a indiqué le vice-président de Transat, Christophe Hennebelle, en entrevue avec La Presse canadienne.

« Nous avons un avion en attente au Canada, qui est prêt à partir pour aller les chercher dès que nous aurons la confirmation qu'on est capable de les emmener jusqu'à l'aéroport », a-t-il précisé.

« C'est vraiment inquiétant », a confié Marie-Christine Remy, une résidante de Sherbrooke dont la mère et son conjoint se trouvent parmi le groupe, lors d'une entrevue téléphonique.

« J'ai appelé le gouvernement du Canada et eux m'ont dit que c'était mieux de rester à l'hôtel, qui est plus sécuritaire. Ce sont surtout les routes qui sont plus dangereuses. »

L'hélicoptère : 20 heures de déplacements

Cependant, d'autres voyagistes ont pris des mesures afin de transporter leurs clients de l'hôtel à l'aéroport par hélicoptère, ce que Transat refuse de faire jusqu'ici, invoquant des raisons logistiques et de sécurité pour la centaine de touristes impliqués.

« Premièrement, il y a le nombre de passagers : les hélicoptères qui sont disponibles peuvent en transporter entre deux et quatre, donc on parle d'une opération qui se prolongerait probablement sur une vingtaine d'heures. Et l'hélicoptère n'est pas un moyen absolument sûr dans la situation où nous sommes aujourd'hui. Donc, ce qui nous paraît, nous aujourd'hui, comme la meilleure solution, c'est un convoi terrestre », a fait valoir M. Hennebelle.

Celui-ci a aussi précisé que cette décision avait été prise de concert avec les autorités canadiennes sur place. « La meilleure solution envisagée dans la discussion avec l'ambassade, c'est la voie terrestre. »

M. Hennebelle s'est dit confiant de voir une solution à court terme. « On pense que dans les quelques jours qui viennent on va pouvoir bouger. »

Marie-Christine Remy a raconté pour sa part que sa mère et son conjoint ont tenté de noliser un hélicoptère de leur propre chef mercredi après avoir été incapables de prendre leur avion dimanche dernier, comme prévu.

« L'hélicoptère est arrivé trop tard. Ils avaient manqué leur avion. Ils n'ont pas voulu prendre l'hélicoptère pour se rendre à l'aéroport et être pris là sans pouvoir prendre un avion, alors ils sont restés à l'hôtel. »

À l'autre bout du pays, dans le petit village de Tiverny à quelque 200 kilomètres à l'ouest de Port-au-Prince, la « Mission Haïti La Bible parle » était sur le point d'offrir à ses ouailles leur relâche hivernale annuelle, mais a dû y renoncer comme tout le monde.

« Nous avons 26 missionnaires qui devaient quitter hier (mercredi) avec Air Transat, mais ils ne peuvent plus se déplacer. Toutes les routes du pays sont bloquées. C'est vraiment un effort bien concerté de paralyser le pays dans le but de déstabiliser le gouvernement », a expliqué le vice-président de la Fondation « La Bible parle », Michel Bougie, depuis ses bureaux de Montréal.

Employés rapatriés

Par ailleurs, la Ville de Montréal a décidé de rapatrier un groupe d'employés qui étaient en Haïti pour soutenir les autorités locales dans un programme de formation sur la perception de taxes foncières.

L'annonce de leur rapatriement a été faite jeudi matin par la mairesse Valérie Plante, qui a reconnu que la décision n'avait pas été facile à prendre dans un contexte où l'on souhaite soutenir le peuple haïtien et, surtout, ne pas contribuer à l'instabilité.

Par contre, un contingent de policiers du Service de police de la Ville de Montréal qui se trouve sur place entend y demeurer.

Colère populaire

Depuis environ une semaine, Haïti est en proie à de violentes secousses sociales, des manifestants réclamant le départ du président Jovenel Moïse pour de multiples raisons. Les manifestations ont jusqu'ici coûté la vie à plusieurs protestataires et de nombreuses activités sont paralysées en raison du mouvement soulevé par la colère populaire.

« On n'a pas trouvé encore les bonnes personnes, le bon modèle politique qui permettrait de réunir toutes les différentes factions du pays, qui sont nombreuses en Haïti », raconte Michel Bougie, qui a lui-même séjourné huit ans en Haïti avec la Mission. Celle-ci y a pignon sur rue depuis 20 ans et elle a été témoin des nombreux bouleversements successifs sur ce territoire.

« On a vécu un coup d'État, on a vécu un tremblement de terre, on a vécu l'ouragan Matthew. C'est un pays qui vit des choses difficiles, mais ce sont des gens qu'on aime », dit-il simplement pour expliquer la présence de la Mission.

De son côté, Christophe Hennebelle souligne que les troubles actuels ne suscitent pas vraiment de crainte pour sa clientèle.

« Les touristes ne sont pas a priori des cibles dans la situation qu'on connaît », un sentiment que partage Michel Bougie en ce qui a trait à ses collaborateurs : « Il n'y a pas de danger pour eux », affirme-t-il avec conviction.