Perchée dans les Andes péruviennes à 5300 mètres d’altitude, La Rinconada est l’avant-poste minier habité le plus élevé du monde. La montée en flèche du prix de l’or, qui a quintuplé au cours des 20 dernières années, a été à l’origine de l’expansion de cet assortiment de cabanes en tôle où vivent et travaillent près de 50 000 personnes.

L'infernale cité d'or

L’altitude remarquable, le froid mordant, le manque d’oxygène et la pollution omniprésente font de la région une terre inhospitalière. À La Rinconada, la rudesse de l’environnement reflète la violence de la communauté, ce qui en fait un lieu où il est difficile de vivre. Les gens n’y résident pas par plaisir ; ils viennent y tenter leur chance ou s’y retrouvent contre leur gré. Un anti-El Dorado, perché au sommet du monde.

Alexis Aubin

PHOTO FOURNIE PAR ALEXIS AUBIN

Alexis Aubin est un photographe documentaire et photojournaliste basé à Montréal.

Diplômé en photographie du collège Marsan et titulaire d’un baccalauréat en communication de l’Université de Montréal, Alexis Aubin parcourt l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, documentant les enjeux sociaux pour des médias internationaux et des organismes humanitaires. Entre 2017 et 2019, il a travaillé en collaboration avec l’organisation Campaña Colombiana Contra Minas en Colombie, pour documenter l’impact des mines antipersonnel sur les populations dans le contexte de conflits armés. Il occupe aujourd’hui un poste de créateur de contenu au sein de l’organisme humanitaire Médecins du monde, tout en réalisant des reportages photographiques pour la presse internationale.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

« Los Abuelos y Awichitas » (les grands-pères et grands-mères). Les mineurs leur font des offrandes de fruits, de coca, d’alcool, de tabac et de sous-vêtements féminins en échange de leur protection. Selon la croyance, ces idoles apportent prospérité et santé à ceux qui les vénèrent.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Des mineurs jouent au billard sur la place centrale de La Rinconada, après leur quart de travail. Les divertissements sont peu nombreux. L’austérité du travail et de la vie quotidienne dans la cité minière en pousse plusieurs à l’alcoolisme.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

C’est l’heure de la pause pour ces trois mineurs. Un répit ponctué de cigarettes, de feuilles de coca et de rhum.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

La mine Sejje est exploitée par Ananea Corp. et quelques coopératives. Les mineurs ne reçoivent pas de salaire régulier. Ils fonctionnent plutôt selon l’ancien système du « cachorreo ». Après 30 jours de travail sans compensation, ils disposent de deux jours pour collecter le minerai et le vendre. Cela constitue leur seul revenu.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Oscar Huahuachambi Huahuasoncco, 30 ans, contourne une crevasse sur le glacier Riticucho. Les tuyaux transportent l’eau de fonte, la seule source d’eau potable, vers la ville. Les habitants de La Rinconada sont contraints d’utiliser des ressources polluées, comme ce glacier, en raison de l’absence de système d’élimination des déchets, du manque d’installations sanitaires et de l’absence d’eau propre. Le mercure utilisé dans l’extraction de l’or a contaminé l’air, le sol et l’eau.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Ronald Quispe, 25 ans, est allongé sur son lit dans le campement familial où il vit avec ses frères, alors qu’on lui apprend au téléphone l’assassinat d’un collègue et ami, tué dans la mine où il travaille. Bagarres, fusillades et homicides sont monnaie courante dans la ville située dans la région de Puno. Une violence dont les femmes sont les premières victimes.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

À l’usine Tony Montana, des travailleurs moulent les minerais extraits par les mineurs. Dans chaque tambour, des boules d’acier, de l’eau et 2 kg de mercure sont mélangés aux roches contenant de l’or afin d’extirper le métal précieux.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Eliana Diaz Mamani, 28 ans, est une « acopiadora », une acheteuse d’or. La jeune femme travaille à La Rinconada depuis quelques années déjà. Elle dit souhaiter y rester jusqu’à ses 35 ans et ensuite retourner vivre à la campagne avec sa famille. Les « acopiadores » rachètent les produits bruts sortis des moulins. Ils chauffent ensuite le mélange d’or et de mercure pour en faire évaporer les métaux lourds et revendent leur marchandise à Juliaca, ville commerciale la plus près. Ils sont environ 500 acheteurs comme Eliana à La Rinconada.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Un mineur pèse une bille composée de mercure et d’or, après l’avoir extraite des minerais apportés à l’usine. Constituant souvent le seul revenu des mineurs, ces petites boules sont vendues aux « acopiadores ».

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

La Bella Durmiente (La Belle au bois dormant), la montagne où sont perchées les mines d’or, surplombe les campements de fortune où vivent les mineurs.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Des mineurs entrent dans le mine Sejje, située dans la zone Chico Lunar. Malgré la désillusion de beaucoup et alors que la diminution des réserves de minerai menace l’existence même de la ville, la cité d'or continue d’inspirer des rêves de richesse à plusieurs.

Ce reportage a été réalisé avec l’appui du Fonds québécois en journalisme international.