L'Assemblée nationale cubaine a ouvert mercredi une session inaugurale destinée à désigner le nouveau président de l'île, ouvrant la voie à une transition historique après six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro.

L'identité du nouveau chef de l'exécutif doit être révélée jeudi matin, à l'issue de cette session entamée mercredi en présence de Raul Castro et de son successeur présumé, le numéro deux du régime Miguel Diaz-Canel.

Selon le programme publié par les médias officiels, les députés doivent d'abord inaugurer la nouvelle législature et désigner leurs cadres, avant d'élire dans leurs rangs les 31 membres du Conseil d'État, et simultanément le président de cet organe exécutif suprême, qui succédera à Raul Castro.

Ce vote doit se tenir mercredi après-midi, mais l'identité du nouveau président ne sera révélée que jeudi à partir de 9h, ont précisé les médias d'État.

Depuis la révolution de 1959, Cuba n'a connu qu'une seule véritable transition à sa tête. C'était en 2006, quand Fidel Castro, atteint par la maladie, passait le témoin à son frère cadet après plus de 40 ans de pouvoir sans partage.

Fidel s'est éteint fin 2016 et c'est aujourd'hui au tour de Raul, 86 ans, de céder sa place à un représentant de la nouvelle génération, qui devrait sauf surprise être le premier vice-président Miguel Diaz-Canel, un civil de 57 ans.

Numéro deux du régime depuis 2013, cet homme du système ressemblant quelque peu à l'acteur américain Richard Gere y a été préparé. Depuis plusieurs années, il représente régulièrement son gouvernement lors de missions à l'étranger et ses apparitions dans les médias sont de plus en plus fréquentes.

S'il est élu, cet ingénieur en électronique né après la révolution devra asseoir son autorité et poursuivre l'indispensable «actualisation» du modèle économique de l'île esquissée par le cadet des Castro. Des charges lourdes pour un homme au profil plutôt discret qui a gravi dans l'ombre les échelons du pouvoir cubain.

Pression

«Il sera intéressant d'observer si (M. Diaz-Canel) est capable de résister à la pression de cette charge», note Paul Webster Hare, professeur de relations internationales à Boston (États-Unis) et ex-ambassadeur britannique à Cuba.

«Fidel et Raul [...] n'ont jamais eu à justifier leurs positions. Ils avaient mené la Révolution et personne ne remettait en cause leur «droit» d'être dirigeants. [Mais] ils n'ont pas créé de modèle démocratique permettant de conduire un changement, c'est une des principales raisons pour lesquelles Diaz-Canel fait face à une tâche ardue», poursuit-il.

Pour la première fois depuis des décennies, le président n'aura pas connu la révolution de 1959, ne portera pas l'uniforme vert olive et ne dirigera pas le Parti communiste cubain (PCC).

Mais il pourra combler ce déficit de légitimité grâce à Raul Castro, qui gardera la tête du puissant parti unique jusqu'en 2021. À ce poste, il devra mobiliser la vieille garde des «historiques», perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses.

Leur niveau de responsabilité de ces derniers au sein du nouveau Conseil d'État donnera une indication sur la volonté réformatrice du régime, et sur la marge de manoeuvre du nouveau président.

Continuité du système oblige, celui-ci n'a jamais présenté de programme, mais il devra tenir compte des «lignes directrices» («lineamientos») votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à mener d'ici 2030.

Le prochain gouvernement «va devoir rendre des comptes au peuple, le peuple participera aux décisions», avait déclaré M. Diaz-Canel au moment de voter aux dernières législatives dans sa ville de Santa Clara (centre).

De l'avis des experts, le futur président sera surtout attendu sur le terrain économique, et sur son aptitude à mener les réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6% en 2017) et fortement dépendante des importations et de l'aide de son allié vénézuélien aujourd'hui affaibli.

Selon eux, le chantier le plus impérieux qui se présente est l'unification monétaire, mesure maintes fois ajournée qui vise à supprimer un système de dualité de monnaies nationales unique au monde, responsable depuis 1994 de distorsions dans une économie encore largement étatisée.