Installé dans une partie encore peu exploitée de la rue Notre-Dame, bien à l'ouest d'Atwater, mais avant l'échangeur Turcot, Tuck Shop est un nouveau restaurant de cuisine du marché dont on se demande s'il s'est donné comme mission de relancer le quartier ou si, au contraire, il n'est pas l'établissement qu'a longuement attendu un voisinage déjà transformé par ses nouveaux résidants.

Chose certaine, il s'intègre parfaitement au style des environs avec son allure rétro et vintage chaleureuse.

Chose certaine aussi, les gens qui ne sont pas du quartier ont commencé à la fréquenter assidûment depuis son ouverture il y a quatre mois. Certains arrivent de Westmount ou de Notre-Dame-de-Grâce, voire de Hampstead.

Si des restaurants comme Tuck Shop continuent de s'installer dans la rue, ce coin de Saint-Henri pourrait très bien devenir comme le Mile-End: un joyeux carrefour rempli de studios, d'artistes et de gens créatifs de toutes sortes habitant de vieilles maisons intelligemment retapées, dont les commerces d'avant-garde peuvent survivre grâce aux consommateurs provenant aussi des quartiers bourgeois des alentours.

Une telle transformation est déjà abondamment amorcée dans la zone entourant le marché Atwater, mais cette fois on regarde vers l'ouest, vers une nouvelle frontière qui a un orteil à Ville-Émard.

Tuck Shop est donc à un carrefour, qui lui va bien. Il a la flamme de la cuisine de la Taverne Monkland dans ses premières belles années, d'ailleurs, des anciens de ce restaurant de Notre-Dame-de-Grâce sont aux fourneaux et en salle. Il a le côté chaleureux et rustique du Liverpool House qui n'est pas loin, mais sa foule est moins flamboyante et son atmosphère plus bon enfant. Le Tuck Shop a aussi des airs de tous ces restaurants urbains carnivores qui pullulent depuis des années un peu partout en ville. Mais il n'a ni les têtes de cervidés empaillés aux murs ni cette impression de vouloir faire comme les autres dans l'assiette.

On a plutôt l'impression que des vétérans de la Taverne, jadis pionnière en son genre, ont eu envie de relancer un bon restaurant de quartier ailleurs, avec la fraîcheur d'un nouveau départ.

Un menu classique et adapté

Les points forts de ce nouveau lieu? Un menu qui s'adapte aux arrivages. Des plats roboratifs bien équilibrés et bien faits, qui n'essaient ni de faire de la haute voltige créative ni de reprendre telles quelles des combinaisons archiconnues, mais qui intègrent bien des éléments modernes gagnants. Ainsi, un potage au maïs riche et sucré est tout simplement ponctué d'un trait d'huile d'olive et de coulis au poivron grillé, tandis que du maïs soufflé apporte du croquant. L'assiette de charcuterie, elle, plutôt que de défiler les saucissons et terrines, propose une croquette d'effiloché de canard et un tout petit morceau de foie gras poêlé déposé sur un morceau de brioche (un peu trop grillée) et une salade de pommes et noix élégamment acidulée par du zeste de citron.

L'ensemble n'est pas spécialement élégant, mais on sent une finesse dans la recherche d'un équilibre fraîcheur avec ces rondelles de radis et de concombres déposées comme compléments.

La salade d'automne est elle aussi sans prétention mais, encore là, remplie de légèreté qui craque sous la dent: des cubes de betteraves, des carottes, des concombres, l'amertume fragile de belles feuilles de chicorée, un peu de la richesse salée mais moelleuse de quelques morceaux de prosciutto.

En plat principal, le menu décline encore des classiques: côtes braisées, steak frites... Nous avons goûté au magret de canard qui pourrait être servi un peu plus saignant, mais fait une réconfortante rencontre avec du chou de Savoie poêlé et des spätzle. Un vrai plat d'automne allumé par des cubes de courge poivrée et des grains de pomme grenade bien acidulés.

Le pâté au poulet, qui arrive en portion généreuse, est accompagné lui aussi de salade. Contrairement aux pâtés classiques, et on l'en remercie, il ne baigne pas dans la béchamel, mais trouve plutôt sa saveur dans le thym et le romarin généreusement intégrés à la garniture.

Place au dessert

Au dessert, la tarte à la citrouille est peu sucrée, lourde et trop généreusement rehaussée à la cannelle, ce qui lui donne une amertume déplacée. Et la très simple chantilly qui l'accompagne aurait profité d'un peu plus de personnalité - quelques gouttes de bourbon peut-être? Par contre, le brownie est un des meilleurs mangés depuis longtemps. Avec des noix fraîches, beaucoup de beurre, de sucre, de moelleux, de chocolat aux saveurs profondes. Un classique réellement bien travaillé qui vaut presque le détour vers ce nouveau quartier en transformation.

Tuck Shop

4662, rue Notre-Dame Ouest, Montréal, 514-439-7432

> Prix: Entrées entre 5$ et 16$, plats entre 19$ et 28$. Sans boire trop de vin, on peut s'en sortir à 50$ par personne tout compris.

> Vins: Peu de vins au verre et peu d'importations privées. Les grands amateurs trouveront le tout un peu court malgré quelques bouteilles intéressantes.

> Décor: Mur de brique, lampes recyclées, meubles rétro. On est dans Saint-Henri et le restaurant cherche à retrouver l'atmosphère ancienne des lieux, avec des touches urbaines modernes.

> Ambiance: Des adultes des quartiers voisins de Notre-Dame-de-Grâce, Westmount, voire Hampstead. Des jeunes couples et des copines qui s'assoient au bar. Le restaurant est bien rempli et, surtout les week-ends, il ne faut pas oublier de réserver.

> Service: Gentil, accueillant et accommodant, mais parfois un peu brouillon.

+ + + L'atmosphère rétro et la cuisine réconfortante sans prétention, dans un lieu sans chichi.

- - - Quelques petites erreurs techniques dans la préparation des plats. Une carte de vins à retravailler.

On y retourne? Oui.