À la mi-septembre, les Redmen de l'Université McGill ont mis fin à une disette de trois ans et 17 matchs sans victoire. Enfin un peu d'espoir pour ce programme, qui était jadis le joyau du football universitaire québécois. Retour sur la traversée du désert.

Depuis près de trois ans, les Redmen de McGill n'avaient plus gagné un match de football. Secouée en 2005 par un scandale lié aux initiations des nouveaux joueurs, l'équipe était plongée depuis la fin de la saison suivante dans une série de 17 défaites consécutives.

La dernière saison victorieuse des Redmen remonte à 2002. Les hommes de l'entraîneur-chef Chuck McMann s'étaient rendus en demi-finale nationale. Par la suite, McMann s'est retrouvé à court de solutions. Ses choix stratégiques, ses lacunes aux plans de la discipline et de la communication l'ont coupé de ses joueurs et ont terni la réputation du programme athlétique de McGill.

Le directeur athlétique Drew Love a vite évalué la situation au printemps 2007, lors de sa nomination. «Il s'agissait d'une des rares situations où il fallait vraiment jeter le bébé avec l'eau du bain, explique Love. Tout était à refaire et nous avons convenu avec Sonny (Wolfe) que nous allions travailler ensemble pour relancer ce programme.»

Sonny Wolfe, un vétéran entraîneur de 66 ans, qui a passé plus de 40 saisons dans le football, a été embauché un mois après Love, en juin 2007, pour mettre de l'ordre dans tout ça. Il a reçu carte blanche pour mettre en place un programme de football sérieux et digne de McGill.

«Ce qui m'a frappé en arrivant, c'est que plusieurs joueurs ne semblaient pas avoir cette passion pour le football qui est essentielle au succès, raconte Wolfe. J'ai averti les joueurs que ça impliquait 365 jours d'effort par année et que tout le monde travaillerait ensemble.

«Je suis arrivé trop tard en 2007 pour m'occuper du recrutement, mais j'ai pu le faire en 2008 et cela va s'améliorer à l'avenir. Il m'est arrivé de rencontrer un excellent joueur qui voulait étudier la médecine, mais qui a refusé de considérer McGill à cause de la faiblesse de notre équipe. Je trouvais cela dommage. J'espère que cela ne se reproduira plus.»

Une ambiance de délire

En repartant de zéro, Sonny Wolfe se doutait bien que ses premières saisons seraient pénibles. «Les deux saisons sans victoire n'ont pas été faciles, surtout pour les vétérans qui travaillaient très fort sans recevoir aucune gratification. Certains ont quitté l'équipe, mais la plupart n'ont jamais perdu espoir.»

Le premier match de cette saison, contre les Carabins de l'Université de Montréal, n'avait justement pas laissé beaucoup d'espoirs aux fidèles partisans des Redmen. C'était 48-0 à la demie. Ça s'est terminé 66-14.

Mais dès le match suivant, le 11 septembre au stade Percival-Molson, les Redmen ont surpris le Vert et Or de l'Université de Sherbrooke, 29-11, pour remporter leur première victoire depuis le 28 octobre 2006. S'ensuivit une célébration monstre sur le campus de McGill.

«C'est une des belles victoires de ma carrière, souligne Wolfe, encore ému. Mais je suis surtout content pour les vétérans qui ont continué à travailler pendant les saisons difficiles. C'était émouvant dans le vestiaire de voir cette ambiance de délire.»

Le receveur de passes Charles-Antoine Sinotte, qui a traversé les années noires, a reconnu après le match: «Ça faisait tellement longtemps. J'avais oublié à quel point ça faisait du bien de gagner!»

Bien appuyé par un groupe de vétérans ultra motivés, le quart recrue Jonathan Collin a été solide en complétant 21 de ses 34 passes pour des gains de 177 verges; mais il a aussi porté lui-même le ballon cinq fois pour des gains de 21 verges et deux touchés.

Le porteur de ballon Andrew Hamilton, un transfuge de Concordia après une saison avec les Alouettes, a aussi permis d'équilibrer l'offensive de l'équipe. Avec des gains de 177 verges au sol, il a enlevé beaucoup de pression à son jeune quart.

La semaine dernière, Collin a montré qu'il était encore une recrue et les Redmen ont multiplié les bévues (sept revirements) dans une défaite de 25-20 face à l'Université Bishop's. Mais tous les rivaux de McGill savent qu'il ne faut plus s'attendre à des matchs faciles contre l'équipe de Sonny Wolfe.

«Notre victoire a été bien accueillie, même par nos rivaux, dit-il. C'est important pour la crédibilité de McGill, mais aussi pour celle de la ligue. Ce n'est jamais bon quand une équipe est trop forte, ni quand une autre est trop faible. Nous avons maintenant un noyau très prometteur de joueurs de première et de deuxième année. Je ne dis pas que nous battrons l'Université Laval bientôt, mais nous serons plus compétitifs.»

Cela dit, on est encore loin des grandes équipes de l'histoire de McGill. Les Redmen n'ont d'ailleurs plus été champions de la conférence québécoise depuis 2002 et leur dernière conquête de la Coupe Vanier remonte à 1987.

Love et Wolfe préfèrent des objectifs réalistes. «C'est important pour McGill d'avoir une équipe de football compétitive, explique Drew Love. Nos critères d'admission nous empêchent sans doute de recruter tous les athlètes de premier plan, mais nous croyons pouvoir attirer de jeunes hommes qui possèdent des qualités de meneur et une volonté de contribuer au succès collectif et à la bonne réputation de leur institution.

«Nous sommes satisfaits des progrès réalisés depuis deux ans, poursuit le directeur athlétique de McGill. Nous aurons sans doute encore besoin d'un an ou deux avant d'avoir une formation vraiment compétitive, mais l'équipe de cette année représentera bien notre université.»