Des virologues américains ont identifié un groupe de trois gènes qui expliquent l'extrême et inhabituelle virulence du virus responsable de la grippe espagnole de 1918, la pire pandémie connue de l'histoire humaine qui a fait de 20 à 50 millions de morts, selon des travaux publiés lundi.

Ces gènes ont surtout permis à ce virus de se reproduire dans les tissus pulmonaires, caractéristique particulière de ce pathogène qui a tué plus de personnes que toutes les batailles réunies de la Première Guerre mondiale.

«Les virus conventionnels responsables de la grippe se multiplient principalement dans la partie supérieure des voies respiratoires, la bouche, la gorge et le nez, alors que le virus de la grippe espagnole était aussi capable de se reproduire dans les poumons, provoquant des pneumonies», explique le Dr Yoshihiro Kawaoka, virologue et professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l'université de Wisconsin-Madison, un des deux principaux co-auteurs de cette étude.

«Et nous voulions savoir pourquoi la grippe espagnole de 1918 provoquait des pneumonies aussi dévastatrices», ajoute-t-il.

Les nombreuses autopsies de victimes de cette pandémie révélaient souvent des poumons remplis de liquide et gravement endommagés par des hémorragies importantes.

Les virologues ont avancé l'hypothèse que la capacité du virus de la pandémie de 1918 à envahir les poumons s'expliquait par une virulence exceptionnelle. Toutefois, les gènes responsables de cette virulence restaient inconnus, expliquent les auteurs de ces travaux parus dans les Annales de l'Académie nationale américaine des sciences datées du 29 décembre.

La découverte des trois gènes responsables et de leur rôle dans le développement de l'infection dans les poumons est importante car elle pourrait ouvrir la voie à une identification rapide de la virulence potentielle d'une nouvelle souche virale d'une pandémie, relève le Dr Kawaoka.

Ces trois gènes pourraient aussi devenir la cible d'une nouvelle classe d'anti-viraux à développer d'urgence, car des vaccins ne pourront probablement pas être produits suffisamment rapidement au début d'une pandémie pour arrêter sa propagation, ajoute le virologue.

Ces chercheurs ont recréé le virus de la grippe espagnole de 1918 à partir de matériaux génétiques provenant de tissus pulmonaires de trois victimes de la pandémie, grâce aux travaux du Dr Jeffery Taubenberger de l'Institut de pathologie des forces armées américaines.

Celui-ci a recouru aux techniques de la génétique inverse et a pu identifier les huit gènes du virus de 1918.

Mélangeant les gènes de ce virus ainsi recréé avec ceux de pathogènes de la grippe d'aujourd'hui, le Dr Kawaoka et ses collègues ont pu créer des virus de la grippe dotés de différentes combinaisons génétiques.

Testés sur des furets et des souris, la plupart de ces virus combinés n'ont infecté que les voies respiratoires supérieures mais n'ont pas provoqué de pneumonie chez ces animaux à l'exception d'une de ces variantes virales.

Il s'agissait de celle comportant trois gènes spécifiques du virus de 1918 agissant de concert.

Un de ces gènes est nécessaire pour synthétiser une protéine dite ANR polymérase, indispensable à la reproduction du virus et un autre est crucial pour fabriquer de l'hémagglutinine, une protéine de l'enveloppe du virus qui lui permet de s'attacher aux cellules de l'organisme qu'il envahit.