L'ignorance sur les grands enjeux scientifiques risque d'aggraver des crises sanitaires, alimentaires ou écologiques mondiales, ont regretté lundi des chercheurs lors de la rencontre de l'Association américaine pour l'avancement de la science (AAAS).

Des solutions scientifiques sont nécessaires pour aider à venir à bout de graves problèmes comme la raréfaction de l'eau dans certains pays, des maladies ou des désastres écologiques, «mais la population ne comprend pas la science actuellement», a déploré le scientifique et activiste américain James Hansen.

«Nous sommes confrontés à une urgence planétaire et bien peu de gens le reconnaisse», a-t-il ajouté en plénière lors de la conférence réunissant cette année quelque 8000 chercheurs à Vancouver, métropole de l'ouest canadien.

«Il faut convaincre la population de croire à la science à une époque où un nombre perturbant de gens n'y croient pas», a renchéri Andrew Petter, co-organisateur de l'événement et président de l'université Simon Fraser, à Vancouver.

Censure, opposition à l'enseignement de la théorie de l'évolution par des organisations religieuses américaines, scepticisme à l'égard du réchauffement climatique, déclin de la qualité de l'enseignement des sciences: le savoir est encore aujourd'hui confronté à de nombreux obstacles.

«Il y a de moins en moins de gens chaque année qui "croient" au changement climatique» aux États-Unis, première puissance mondiale, a déploré Nina Fedoroff, présidente de l'AAAS.

La question de la communication ou non de résultats de recherche sur une forme mutante du virus de la grippe aviaire - qui peut se transmettre aux humains - a d'ailleurs été au coeur de vifs débats lors du congrès.

En novembre, le Bureau national américain de la science pour la biosécurité (NSABB) avait demandé aux grandes revues spécialisées Science et Nature qu'une partie des résultats de la recherche sur le virus H5N1 ne soit pas publiée, évoquant un risque potentiel de biosécurité.

Si la grippe aviaire causée par le virus H5N1 se transmet essentiellement entre volatiles, elle peut également toucher l'homme et est alors à 60% mortelle.

«Je ne suis pas en faveur d'un arrêt de la science. Plus nous en savons, mieux nous sommes préparés pour faire face à des imprévus», a déclaré lors du congrès Mme Fedoroff, avant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne prolonge le gel des travaux sur le développement d'un virus mutant dangereux de la grippe aviaire.

L'Association américaine pour l'avancement de la science tente par ailleurs d'accroître la présence de la science dans l'espace public d'où la tenue d'événements populaires auxquels ont assisté 6.000 enfants en marge de ce congrès.

Si les générations précédentes de chercheurs n'appréciaient guère ce genre d'exercice, les jeunes scientifiques en raffolent, conscients de l'importance de la communication au grand public, a souligné Alan Leshner, membre du comité de direction de l'AAAS. «Les jeunes scientifiques souhaitent aujourd'hui que la population comprenne ce que nous faisons», a-t-il dit.