Croire ou non un scientifique dépendrait en grande partie de nos convictions politiques. La langue et le sexe du spécialiste feraient aussi pencher la balance en sa faveur ou non.

Cela n'a rien de rassurant pour les experts qui s'étonnent souvent de ne pas être plus écoutés. « Notre prédisposition politique - gauche ou droite - influence fortement nos choix », annonce Éric Montpetit, chercheur au département de science politique de l'Université de Montréal.

Notre opinion politique influencerait bien plus que nos votes, elle nous pousserait aussi à privilégier un expert alarmiste si l'on est à gauche et inversement, si l'on est plus conservateur. C'est ce que révèle une expérience de manipulation d'opinion menée auprès de 156 étudiants au baccalauréat. Deux sessions ont permis aux chercheurs de constater que le choix des élèves était souvent plus motivé par leur opinion - collectiviste ou individualiste - et cela, peu importe l'enjeu.

« On s'attendait à ce que nos étudiants - des personnes plutôt bien informées sur les enjeux des changements climatiques, du stockage des déchets radioactifs ou de l'enregistrement des armes à feu - jugent l'expert suivant sa position institutionnelle scientifique. Pas du tout, ils avaient déjà un parti pris », sanctionne le chercheur.

Les scientifiques qui s'intéressent aux impacts des politiques publiques devraient donc tenir compte du public à qui ils s'adressent.

Cette expérience a également montré qu'avec le même profil, les étudiants jugent une experte féminine plus crédible que son homologue masculin. C'est vrai aussi pour la langue : un expert sera mieux perçu s'il est anglophone. Les souverainistes (26 % des étudiants interrogés) sont aussi plus susceptibles de croire un anglophone - 89 % contre 74 %.

Le chercheur attribue cette différence au projet d'émancipation de la société québécoise. « On ne jugera pas un Québécois aussi émancipé qu'un Américain. Cela peut avoir une certaine influence sur les experts que l'on écoutera au moment d'élaborer des lois », relève le chercheur.

Cette recherche, inspirée de travaux américains, se poursuivra cet hiver sur un plus grand groupe d'étudiants afin de corriger les biais liés au petit échantillon.