Je suis dans la jeune trentaine, récemment diplômé des HEC. Tout ce (faux) débat autour de la formation unilingue anglaise offerte à la maîtrise vient profondément me toucher. Ayant, comme une grande partie des étudiants de l'école, complété ma formation à temps partiel, les coûts reliés à ma scolarité ont pu tout aussi bien se chiffrer en dollars qu'en heures passées loin de ma petite famille. J'ai choisi les HEC pour la qualité de son enseignement, la flexibilité de ses programmes de formation ainsi que pour son lien étroit avec le marché du travail.

Je n'y suis pas allé avec l'intention de me faire des amis mais bien des relations d'affaires, ni pour entendre parler de poésie ou de sociologie alors que ma préoccupation première était de me trouver un emploi de qualité, dans un univers concurrentiel qui me passionne.

Cette concurrence provient du bassin de diplômés québécois de grande qualité, mais aussi d'acteurs étrangers venus tenter leur chance chez nous, maintenant chez eux. Ces derniers arrivent souvent avec une longueur d'avance, maîtrisant plus d'une langue et possédant déjà une expérience à l'international.

Je suis né dans un milieu unilingue francophone. J'aime ma langue, la parle et l'écris avec respect; j'y élève ma famille aussi. Mon DES en poche, j'arrive à Montréal après huit années de cours d'anglais, bien à l'aise avec la conjugaison des verbes irréguliers, à peine capable pourtant de donner des directions à un touriste anglophone. J'apprends la langue comme je peux; au travail, à la télé. Est-ce possible d'obtenir une éducation supérieure en anglais sans me déraciner? De faire en sorte que ma maîtrise du français soit une plus-value dans un monde des affaires, qu'on le veuille ou non, anglophone?

Arrêtez s.v.p. avec l'exemple rarissime de François Legault. Il me semble de plus en plus que le Québec d'aujourd'hui se lance dans une lutte idéologique contre les méchants Anglais, plutôt que de passer par la valorisation efficace du français. Un étudiant fréquentant les HEC au deuxième cycle devrait avoir la maturité de choisir sa langue d'enseignement selon ses besoins.

Il est évident que les retombées économiques sur l'école seront intéressantes. Je suis également certain que la direction de l'établissement juge prioritaire, avec raison, d'offrir la chance à un francophone de souche d'obtenir une éducation abordable et de qualité internationale aussi dans la langue où il aura à évoluer quotidiennement une fois sur le marché du travail.

Je suis dans la jeune trentaine et constate avec regret que le Think Big américain vaut probablement plus que le Pense Petit québécois. Pourquoi apprendre à marcher alors que l'État peut te faire miroiter la construction d'une rampe d'accès? La marche est pourtant haute lorsque l'on cogne à la porte d'un employeur.