C'était jeudi de la semaine dernière, le grand jour du bal des finissants pour mon fils et tous les autres élèves de 5e secondaire de son école. Comme nous étions invités à un cocktail en après-midi par les parents d'un de ses amis, je me suis arrêtée à la succursale la plus proche de la SAQ pour ne pas arriver les mains vides chez mes hôtes. Mon fils m'a alors demandé de lui acheter «quelque chose de spécial» à boire en fin de soirée quand ils se retrouveraient entre amis pour l'après-bal.

C'était jeudi de la semaine dernière, le grand jour du bal des finissants pour mon fils et tous les autres élèves de 5e secondaire de son école. Comme nous étions invités à un cocktail en après-midi par les parents d'un de ses amis, je me suis arrêtée à la succursale la plus proche de la SAQ pour ne pas arriver les mains vides chez mes hôtes. Mon fils m'a alors demandé de lui acheter «quelque chose de spécial» à boire en fin de soirée quand ils se retrouveraient entre amis pour l'après-bal.

Vêtu de son beau smoking loué et le noeud papillon un peu de travers, il m'a accompagnée dans le magasin et nous nous sommes mis d'accord sur une bouteille de 10 onces de rhum brun - à partager sous forme de rhum & coke - que j'ai déposée sur le comptoir à côté d'une bouteille de mousseux italien. Le commis a tout de suite demandé ses cartes à mon fils. Je suis intervenue en disant que j'étais sa mère que j'achetais moi-même ces produits. «Non madame, la loi, c'est la loi.» Le supérieur immédiat a confirmé d'un air austère. Interloquée, j'ai d'abord insisté sur le fait que j'approuvais cet achat pour ensuite dire que j'adorais le rhum brun. Rien n'y a fait: je n'ai jamais pu acheter cette bouteille et il a fallu que j'élève la voix pour qu'on me laisse finalement partir avec celle que je destinais aux parents qui nous recevaient.

J'étais abasourdie et drôlement insultée d'avoir vu bafouer devant mon fils mon droit de lui accorder un privilège pour souligner cette occasion spéciale, symbole du passage à l'âge adulte. N'appartenons-nous pas à une culture où l'on trinque pour souligner les grands événements? Mon fils aura 18 ans dans quelques mois, il termine ses études secondaires avec une moyenne supérieure à 80, c'est un garçon tranquille. Comme, de surcroît, il n'a pas encore son permis de conduire et qu'il prend le taxi pour rentrer à la maison quand il est tard, je me sens bien à l'aise de lui permettre de s'étourdir le soir de son bal de finissant! Peut-être même qu'un peu d'alcool dans le sang l'aidera à vaincre sa timidité et à complimenter les jeunes filles très en beauté ce soir-là.

La société d'État en a décidé autrement et s'immisce dans notre vie familiale, m'infantilisant autant que mon garçon, et ce, de façon absurde. J'aurais pu me présenter seule dans n'importe quelle succursale et me procurer un 40 onces de gin pour mon fils et l'État-maman n'aurait rien pu y faire. Or, en toute innocence, je me montre avec lui, discute de sa consommation, la limite en convenant avec lui d'un petit format d'une bouteille en plastique et, au bout du compte, je me vois nier mon autorité parentale. Mon jugement de mère a été complètement dévalorisé dans cet épisode ridicule de rectitude politique.

Ce sont les revendeurs de drogues autrement plus dommageables qui doivent se frotter les mains devant le souci éthique extrême de la SAQ. Quelle rigidité et surtout, quelle hypocrisie!