Cher François, permets-moi de saluer ta contribution et celle de tes compagnons au débat public. J'accueille avec beaucoup d'ouverture les idées que tu as lancées et qui ont du mérite. Je comprends aussi très bien le désir de changement qui semble te pousser à bousculer l'ordre établi. J'ai déjà parcouru cette route sur laquelle tu sembles vouloir t'engager et je te préviens bien amicalement: c'est un cul-de-sac.

Cher François, permets-moi de saluer ta contribution et celle de tes compagnons au débat public. J'accueille avec beaucoup d'ouverture les idées que tu as lancées et qui ont du mérite. Je comprends aussi très bien le désir de changement qui semble te pousser à bousculer l'ordre établi. J'ai déjà parcouru cette route sur laquelle tu sembles vouloir t'engager et je te préviens bien amicalement: c'est un cul-de-sac.

Mon parcours est celui d'un souverainiste, comme toi. Tout au long du chemin, jamais mes convictions n'ont changé à cet égard. Mais convaincu que la souveraineté n'était pas à portée de main à court terme, j'ai voulu contribuer au changement en m'associant à d'autres qui, comme moi, trouvaient le débat politique sclérosé.

Je croyais à l'époque qu'il était possible de nous défaire de la polarisation entre souverainistes et fédéralistes, en mettant la question nationale de côté, ne serait-ce que pour un temps. Mais la réalité nous a vite rattrapés. Il suffit de regarder les résultats de l'élection partielle dans Saint-Laurent l'été dernier pour constater l'attachement sans faille d'une portion importante de l'électorat fédéraliste envers le Parti libéral du Québec, pourtant plongé dans un contexte de mécontentement très élevé.

Lorsque les souverainistes avec une sensibilité de droite au niveau économique, comme c'est notre cas, délaissent le Bloc ou le Parti québécois, le seul résultat prévisible, c'est un renforcement des partis fédéralistes traditionnels. En voulant écarter la question nationale pour forcer le changement, nous n'obtenons ni l'un ni l'autre.

Bien sûr, les partis souverainistes ont eux aussi leur part de responsabilité. Ils doivent s'ouvrir à tous les courants qui traversent la société québécoise et accepter de débattre avec ouverture des idées porteuses de changement, qu'elles viennent de la droite, du centre ou de la gauche. C'est vrai aussi bien sur le terrain identitaire qu'économique. Mais comment espérer une telle chose si nous laissons toute la place à un seul courant? Là est le véritable défi.

Comme toi, je suis de ceux qui croient lucidement que le Québec a des défis économiques et financiers importants à surmonter. Mes séjours à Ottawa et à Québec m'ont cependant convaincu que la solution à nos défis financiers doit se trouver au sein même des partis souverainistes. Car s'il y a des fondements politiques et identitaires puissants à la base du projet souverainiste, les arguments économiques et financiers ne manquent pas.

Je te donne un exemple: avec l'ADQ, nous avons fait une proposition voulant que les Québécois n'aient plus qu'une déclaration d'impôt à remplir. La réponse d'Ottawa est venue rapidement: c'était une fin de non-recevoir. Savais-tu que l'Agence du revenu du Canada coûtait plus de 800 millions de dollars au Québec chaque année? Cet exemple du fisc, il se répète à l'infini avec tous ces ministères que nous finançons en double, à Québec et à Ottawa, alors que nous avons des besoins autrement plus importants.

En matière économique, c'est encore plus flagrant. J'ai vécu de très près la crise forestière qui affecte le Témiscamingue et la profonde indifférence d'Ottawa. Quand la crise financière a éclaté et que le gouvernement fédéral a injecté des milliards dans l'industrie de l'auto en Ontario, alors que nous n'avions reçu que des miettes pour la forêt, j'ai ressenti dans mes tripes la réalité qui est la nôtre au sein du Canada.

Et que dire de ce déficit de 56 milliards à Ottawa, un déficit dont nous devrons payer une part d'au moins 11 milliards, sans parler des intérêts? Qu'avons-nous obtenu en échange de cet énorme déficit qui a servi à déverser des milliards en Ontario? Cette crise fut en fait un véritable révélateur de la position précaire du Québec au sein du Canada.

C'est en toute connaissance de cause et plus convaincu que jamais de la nécessité de mettre nos énergies et nos forces à l'intérieur des partis souverainistes, que j'écris ceci. En sachant que le changement, le véritable changement, passe par notre souveraineté et par l'engagement de tous les souverainistes, de gauche comme de droite, au sein des seuls véhicules de ce changement que sont le Bloc et le PQ.

Nous aurons bien le temps, une fois notre souveraineté acquise, de réaligner les forces politiques. D'ici là, je crois qu'on pourra faire davantage pour le Québec en s'assurant que le mouvement souverainiste soit représentatif des différents courants idéologiques au Québec.

* L'auteur a été député du Bloc québécois et candidat de l'ADQ.