Le monde entier commente les extraits parus du livre-entretien de Benoît XVI avec le journaliste allemand Peter Seewald, Lumière du monde, qui sera présenté aujourd'hui à la presse, dans ses versions italienne et allemande. L'ouvrage a été écrit à partir d'entretiens, en allemand, entre le pape et le journaliste, qui ont eu lieu du 26 au 31 juillet, à Castel Gandolfo. La traduction française paraîtra le 3 décembre aux éditions Bayard.  

Le monde entier commente les extraits parus du livre-entretien de Benoît XVI avec le journaliste allemand Peter Seewald, Lumière du monde, qui sera présenté aujourd'hui à la presse, dans ses versions italienne et allemande. L'ouvrage a été écrit à partir d'entretiens, en allemand, entre le pape et le journaliste, qui ont eu lieu du 26 au 31 juillet, à Castel Gandolfo. La traduction française paraîtra le 3 décembre aux éditions Bayard.  

À quoi est dû ce grand battage médiatique? Dans ses propos, selon les extraits qui ont été publiés samedi dans l'Osservatore Romano en italien, le pape admet l'usage du préservatif dans certaines circonstances à risque, et ailleurs dans le livre il évoque le fait qu'il n'hésiterait pas à démissionner si sa santé et ses capacités déclinaient de manière sérieuse. Ce livre méritera une analyse fine des propos, lorsqu'il nous sera accessible dans son entièreté. Mais il me semble que l'on peut d'ores et déjà affirmer que le tournant que prend le pape est majeur. Sur quels points? Il me paraît qu'un nouveau pragmatisme apparaît dans le discours, et ce, surtout parce que les propos paraissent dans un livre destiné à un large public.  

Les débats catholiques sont en définitive peu accessibles au grand public. Les experts discutent souvent entre eux au sujet de petites phrases, nuances et subtilités ici et là que l'on peut trouver dans des documents officiels de diverses natures. Mais ce dont il s'agit ici, c'est d'un pape qui se prononce sur des questions majeures dans un entretien dont la nature même est publique.

Durant les 40 dernières années, autour de questions morales et ecclésiologiques, des réaffirmations répétées de la filiation doctrinale ont dominé, sacralisant le plus souvent la continuité avec les papes précédents. Bien que le problème de la contraception date de l'après-guerre, il ne s'agit donc pas d'une doctrine ancienne (1968), on ne peut nier que le pape actuel révise ses prédécesseurs de manière nette. Évolution plutôt que révolution, a déclaré au journal La Croix le théologien moraliste Xavier Lacroix. Il est vrai que le pape propose l'usage du préservatif comme premier pas vers une humanisation de la sexualité, ce qui est déjà quelque chose, sans endosser la contraception tout azimut. Sur le fond, il ne modifie pas la conception de la morale sexuelle elle-même, mais selon moi il se prononce de manière pragmatique et claire sur la prévention du sida, indéniablement. Il renonce donc à s'en tenir à une position uniquement morale et va sur le terrain de la prévention par le condom, qu'il laissait jusque-là aux organisations de la santé.

Il en va de même de sa position sur la question d'une démission du pape. Le fait qu'il envisage pour lui-même une démission éventuelle, s'il n'était plus en pleine possession de ses facultés, est une critique implicite de son prédécesseur. Il est notoire que Jean-Paul II a gouverné durant les dernières années de son pontificat avec un état de santé plus que précaire. Il refusait néanmoins de démissionner au nom d'une conception divine de la fonction (il laissait Dieu décider du moment de la fin de son pontificat et de sa mort). Benoît XVI nous dit dans le nouveau livre à paraître qu'il pense le contraire. Un pape à la retraite? Pas mal moderne, non?

Subtilement, Benoît XVI transforme le mode de gestion du catholicisme, sans pour autant ébranler son unité.  

Petits pas pour le pape, peut-être un grand pas pour le catholicisme romain.