Le gouverneur de la province pakistanaise stratégique du Pendjab a été tué mardi à Islamabad, victime selon les autorités de son opposition à la loi sur le blasphème, plongeant un peu plus dans la confusion un pays dont le gouvernement ne tient déjà plus qu'à un fil.

Le Premier ministre Yousuf Raza Gilani a immédiatement appelé au calme pour éviter de violentes manifestations, comme le pays en a connu dans le passé après des assassinats politiques, et décrété trois jours de deuil national.

Quelques dizaines de militants du Parti du peuple pakistanais (PPP) au pouvoir, dont le gouverneur Salman Taseer était une figure, ont toutefois manifesté à Lahore, la capitale du Pendjab (centre), en brûlant des pneus et bloquant des rues, où les magasins fermaient en hâte.

Il s'agit du crime politique le plus important au Pakistan depuis la mort en décembre 2007 de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, tuée dans un attentat suicide attribué aux talibans.

Selon le ministère de l'Intérieur, Salman Taseer, 66 ans, gouverneur depuis 2008 de la province la plus peuplée et la plus importante du pays au niveau politique, a été tué par un de ses gardes qui lui reprochait son opposition à la loi sur le blasphème, défendue par de nombreuses organisations islamistes.

Salman Taseer a été abattu devant le marché de Kohsar, très fréquenté par de riches Pakistanais et des étrangers, près de son domicile, dans un quartier cossu de la capitale pakistanaise. Juste après l'attaque, les lieux étaient couverts de sang et jonchés de restes de munitions, a constaté l'AFP.

Son garde «a avoué avoir lui-même tué le gouverneur, car il avait dénoncé la loi sur le blasphème», et «a confessé son crime et donné son arme à la police après l'attaque», a déclaré le ministre de l'Intérieur Rehman Malik.

Le gouverneur a succombé à ses blessures à l'hôpital, a précisé le chef de l'administration de la capitale, Amir Ahmad Ali.

Homme d'affaires à succès, considéré comme une voix modérée du PPP du président Asif Ali Zardari et de M. Gilani, Salman Taseer était également un polémiste qui n'hésitait pas à critiquer à haute voix les talibans et autres groupes islamistes.

La loi controversée sur le blasphème est revenue sur le devant de la scène en novembre dernier avec la condamnation à mort d'Asia Bibi, une paysanne mère de famille, accusée d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet.

Actuellement emprisonnée, elle a fait appel de ce verdict et la Haute cour de Lahore doit se prononcer prochainement. La plupart des condamnations à mort pour blasphème ont jusqu'ici été commuées au Pakistan.

De nombreux pays et organisations internationales ainsi que des personnalités politiques et associations pakistanaises ont pressé le président Zardari de la gracier et de modifier la loi.

Mais ces appels ont été dénoncés par les puissants groupes conservateurs religieux, de plus en plus influents au niveau politique ces dernières années et qui ont rassemblé des milliers de manifestants dans plusieurs villes en prévenant que l'anarchie s'installerait si la loi était modifiée.

L'assassinat de Salman Taseer intervient alors que le gouvernement est en proie à une grave crise politique, après la défection d'un de ses principaux alliés au sein de la coalition gouvernementale, qui a fait perdre au gouvernement au pouvoir depuis moins de trois ans sa majorité au parlement.

Il est désormais à la merci des partis d'opposition, qui peuvent le faire tomber s'ils décident de s'unir pour déposer une motion de censure.

Le chef de l'opposition Nawaz Sharif a lancé mardi un ultimatum à M. Gilani, lui demandant de s'engager sous trois jours à mener des réformes.

Mais cette annonce a été faite avant la mort du gouverneur Taseer. Un porte-parole du parti de M. Sharif a ensuite indiqué à l'AFP que l'ultimatum serait étendu et ne commencerait qu'après les trois jours de deuil national.

L'assassinat a suscité de nombreuses condamnations à l'étranger.

La mort de Salman Raseer a été qualifiée de «grande perte» par la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a condamné l'assassinat d'«un dirigeant de premier plan».

Le secrétaire au Foreign Office, William Hague, s'est déclaré «choqué». Le ministère français des Affaires étrangères a déploré la mort d'«une personnalité de premier plan, connue pour son courage dans la défense des institutions démocratiques de son pays».

La responsable de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, a elle aussi condamné le meurtre.

Photo: AP

Un garde de Salman Taseer, Mumtaz Qadri, est détenu par la police.