Le gouvernement américain offre cinq millions de dollars de récompense à quiconque lui donnera des informations utiles pour capturer les deux hommes les plus recherchés de la planète. Le premier, Oussama ben Laden, n'a plus besoin de présentation. Le second, Baitullah Mehsud, est on ne peut plus énigmatique.

Et pour cause. Contrairement au grand patron d'Al-Qaeda, qui s'adresse fréquemment au monde entier dans des clips vidéo, le chef du mouvement taliban du Pakistan (Tehrik-e-Taliban), une alliance de 13 factions créée en 2007, fuit la publicité.

Lorsqu'il accorde une (rare) entrevue, Baitullah Mehsud demande aux caméras de lui faire dos. Sur les fils de presse, il ne circule que deux photos de lui, mais aucune n'a été authentifiée. Ceux qui l'ont rencontré disent qu'il est dans la mi-trentaine et qu'il ne mesure pas plus de 1,58 m (cinq pieds, deux pouces).

Sa mince présence médiatique ne l'empêche pas de faire trembler tout le Pakistan et plus spécifiquement la zone tribale et la province de la Frontière-du-Nord-Ouest. À lui seul, il dispose d'une armée de plus de 20 000 rebelles armés et kamikazes, principalement basés dans le Waziristan, région dont sa tribu est originaire et dont il dirige de facto la destinée depuis 2005.

Dans sa zone d'influence, il inspire la terreur. Il a la réputation d'envoyer un linceul, du fil et des aiguilles à ceux qu'il compte éliminer dans les 24 heures. On dit aussi de lui qu'il cautionne les exécutions publiques, est allergique à la musique et aux écoles destinées aux petites filles, tout comme le chef des talibans d'Afghanistan, le mollah Omar, avec qui il dit entretenir «de bonnes relations».

Le «nouveau» ben Laden»

Depuis 2007, ses activités dépassent les frontières des provinces frontalières de l'Afghanistan. Le Pakistan attribue aux fidèles de Baitullah Mehsud la plupart des attentats terroristes qui ont secoué le pays depuis l'assaut qu'a donné le gouvernement sur la Mosquée rouge en 2007. Cet événement a marqué un tournant dans la stratégie du chef de guerre taliban. Depuis, Baitullah Mehsud a déclaré une guerre ouverte aux autorités.

Le Pakistan l'accuse notamment d'avoir ordonné l'assassinat de l'ex-première ministre Benazir Bhutto à Rawalpindi en décembre 2007 et d'avoir fomenté l'attentat contre l'hôtel Marriott d'Islamabad en septembre 2008.

Cependant, Baitullah Mehsud n'a revendiqué qu'un seul coup d'éclat: l'opération guérilla contre l'académie de police de Lahore, en mars, qui a fait 18 victimes. Pour l'occasion, le chef taliban a appelé lui-même la BBC et quelques autres médias étrangers. «C'est ma revanche pour les avions sans pilote américains qui ont bombardé le nord-ouest du Pakistan. Notre réponse va se passer à l'intérieur des États-Unis et va épater tout le monde», a-t-il alors prévenu.

Cette menace a suffi à faire de Baitullah Mehsud l'ennemi public no 1 des États-Unis aux côtés du chef d'Al-Qaeda. Dans son palmarès des 100 personnes les plus influentes du monde, le magazine Time lui a accordé une place de choix, le mettant dans le même club qu'Ashfaq Kayani, chef de l'armée pakistanaise, à qui il donne ces jours-ci (beaucoup) de fil à retordre.

TÉLÉPHÉRIQUE VERS LE POUVOIR: LE MAULANA FAZLULLAH

Baitullah Mehsud n'est pas le seul taliban du Pakistan à faire couler de l'encre. Dans la vallée du Swat, le Maulana Fazlullah est lui aussi au coeur des préoccupations de l'armée pakistanaise qui y mène présentement une opération. Rien ne prédestinait pourtant Fazle Hayat (son nom original) à gravir les échelons du djihad islamique pakistanais. Pauvre villageois, il a longtemps exploité un téléphérique manuel qui permettait à des vacanciers de traverser la rivière Swat. Dans les années 90, il a étudié dans la madrasa du Moulana Sufi Mohammad, qui est devenu son mentor. Ancien combattant en Afghanistan, il s'est imposé comme leader à son retour de la guerre. Il a marié la fille du Sufi Mohammad et chaussé les souliers de son beaupère alors que ce dernier était en prison. Il s'est fait connaître dans le Swat en mettant sur pied la «Radio Mollah « par l'entremise de laquelle il a prêché l'établissement de la charia.