(Londres) « Happy Brexit Day ! » L’ancien premier ministre britannique Boris Johnson a eu beau vanter, comme son successeur Rishi Sunak, les opportunités offertes par le Brexit, c’est dans la morosité qu’a été marqué mardi le troisième anniversaire de la rupture historique avec l’Union européenne.

En pleine crise sociale, le Royaume-Uni a peu de raison de se réjouir et le Fonds monétaire international a enfoncé le clou mardi. Selon ses dernières prévisions, le pays va être cette année la seule économie majeure à subir une récession, avec une contraction de 0,6 % de son économie. Même la Russie en guerre et sous sanctions est attendue en croissance.

Depuis des mois, le Royaume-Uni se débat avec une inflation dépassant 10 % et des mouvements sociaux. Mercredi, des grèves sans précédent depuis 10 ans sont attendues, dans l’éducation et les transports en particulier.

Trois premiers ministres se sont succédé l’an dernier, l’Irlande du Nord est paralysée politiquement, alors que Londres essaye de convaincre Bruxelles de revenir sur le statut post-Brexit de la province. Malgré les promesses de contrôle des frontières et les plans successifs anti-immigration, les traversées illégales de la Manche sont sans cesse plus nombreuses.

Trois ans après le gong de Big Ben qui avait marqué le 31 janvier à 23 h locales le divorce, les promesses de liberté retrouvée des Brexiters paraissent bien loin, et l’heure est désormais au « Bregret » dans l’opinion.  

Selon un sondage Ipsos publié lundi, 45 % des Britanniques estiment que le Brexit se passe moins bien que prévu – contre seulement 28 % en juin 2021. Ils sont 9 % à penser l’inverse.

Évincé de Downing Street l’été dernier après une avalanche de scandales, Boris Johnson a affiché le même optimisme à toute épreuve qui lui avait permis de remporter les élections fin 2019 et réaliser le Brexit après des années de psychodrame politique.

« Happy Brexit Day ! » a-t-il tweeté avec une vidéo où il appelle à « mettre de côté toute cette négativité que j’entends à propos du Brexit et à se souvenir des opportunités à venir ».

Mais même du côté du gouvernement, l’enthousiasme est resté plus mesuré et le premier ministre Rishi Sunak, pourtant Brexiter de la première heure, s’est contenté d’un communiqué pour souligner les « énormes progrès réalisés en exploitant les libertés offertes par le Brexit ».

Assez technique, la déclaration de Downing Street souligne « l’immense opportunité » économique, avec par exemple la création de ports francs, des zones bénéficiant donc d’une fiscalité avantageuse la dérégulation post-Brexit, qui se fait attendre.  

Pénuries de main-d’œuvre

Le 31 janvier 2020 marquait la fin de 47 ans d’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. S’ouvrait alors une période de neuf mois de transition avec, in extremis, un accord de libre-échange brandi comme un cadeau de Noël par Boris Johnson pour éviter un « no deal » synonyme de rupture brutale et de chaos économique.

Si le pire a été évité, le chef de la diplomatie James Cleverly l’a reconnu mardi : la sortie de l’UE a été « délicate ».

Même si la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont considérablement aggravé la situation, les dégâts sont là. Selon l’organisme public de prévision budgétaire OBR, la sortie de l’UE réduira la taille de l’économie britannique d’environ 4 % à long terme.

Le Royaume-Uni a pris ses distances avec son principal partenaire économique, d’où il importe notamment une grande partie de la nourriture qu’il consomme. Les pénuries de main-d’œuvre ont été aggravées par la difficulté de faire venir des travailleurs européens.

« Personne […] n’a été capable depuis cinq ans de me donner aucune preuve de la valeur ajoutée apportée par le Brexit », a martelé l’ex-négociateur européen Michel Barnier sur la radio LBC. « Il n’y pas de valeur ajoutée au Brexit », a souligné le Français, assurant que la porte restait « ouverte pour de nouvelles relations ».

Pas question cependant de revenir en arrière, même pour l’opposition travailliste, en avance considérable dans les sondages à moins de deux ans des prochaines législatives.  

Soucieux de se défaire de son passé anti-Brexit, le chef du Labour, Keir Starmer, assure qu’un retour dans l’UE ne fait pas partie de son programme, la question ayant été tranchée, mais qu’il veut améliorer les relations avec Bruxelles.