Le Saint-Siège et la Maison-Blanche ont réagi jeudi avec vigueur aux photomontages de Benetton montrant le pape embrassant un grand imam du Caire, et Barack Obama étreignant les présidents chinois et vénézuélien, le Vatican annonçant même des actions en justice.

Le retrait de la photo du pape de la campagne de la firme italienne annoncé mercredi soir par la société textile, à la suite d'une réaction indignée du Vatican, n'a pas suffi à calmer la fureur du Vatican.

>>> La campagne UNHATE de Benetton

Jugeant l'image de Benoît XVI gravement atteinte, sa secrétairerie d'État a chargé jeudi ses avocats d'«entreprendre, en Italie et à l'étranger, les actions qui s'imposent en vue d'empêcher la diffusion, également dans les médias de masse», du photomontage.

Même si la société Benetton a présenté ses excuses et supprimé la photo de sa campagne, elle circule désormais sur les forums internet du monde entier.

Dans un communiqué, la Maison-Blanche a aussi réagi aux photomontages montrant Barack Obama embrassant les présidents chinois Hu Jintao et vénézuélien Hugo Chavez.

Elle a rappelé qu'elle réprouve l'usage de l'image du président des États-Unis «pour des motifs commerciaux», sans préciser si elle était entrée en contact avec Benetton.

La fausse photo du baiser sur la bouche entre Benoît XVI et l'imam de la mosquée al-Azhar, Ahmed el-Tayyeb, touche un point très sensible pour le Saint-Siège: le difficile dialogue avec l'islam, à un moment où les menaces augmentent contre les chrétiens du Moyen-Orient.

La célèbre université sunnite égyptienne, avec laquelle le Vatican entretient des relations difficiles, a exprimé à son tour sa réprobation: cette photo est «irresponsable et absurde», a dit un de ses conseillers.

Le Vatican aurait pu feindre l'indifférence et garder le silence. Mais, selon l'expert Andrea Tornielli du site Vatican Insider, le Saint-Siège, qui enregistre aussi les protestations de ses fidèles sur l'internet, a voulu montrer qu'«on ne peut faire tout ce qu'on veut» en utilisant la photo du pape à des fins commerciales.

D'autant plus, note-t-il, que le photomontage fait bien plus passer le message d'un baiser passionnel que d'un baiser de paix.

«Ceux qui lancent une telle campagne espèrent provoquer une réaction de condamnation qui leur fera de la publicité», note-t-il. Le Vatican le sait, mais, en pesant le pour et le contre, il juge qu'«entreprendre une action légale sans faire trop de battage» peut être efficace pour imposer des «règles» et faire respecter le pape.

Le Vatican avait protesté dès mercredi «contre une utilisation inacceptable de l'image du Saint-Père, manipulée et instrumentalisée dans le cadre d'une campagne publicitaire à des fins commerciales».

Benetton avait tenté de se justifier, en expliquant avoir publié cette photo fabriquée dans le cadre d'une campagne «contre la haine».

Mais, a relevé l'épiscopat français, nul «n'est dupe» d'«un buzz assez indigne. Et la preuve c'est que cela marche».

La réaction du Vatican rappelle sa colère lors de la diffusion du film Da Vinci Code, décrivant le Vatican sous la Renaissance comme un lieu de crimes et d'intrigues.

Mais elle se différencie de sa réaction apaisée à la sortie l'an dernier d'Habemus Papam, le film-comédie de Nanni Moretti, gentiment irrévérencieux à l'égard du Vatican. Mais, dans cette fiction, la figure de Benoît XVI n'était pas en cause.

Dans les rues de Rome, les réactions au photomontage étaient contrastées: «les politiciens, tout le monde s'en fiche! Mais ce qui touche à la religion, oui, c'est un peu plus compliqué», remarquait une touriste vénézuélienne.

Pour un touriste allemand, «le pape qui embrasse quelqu'un d'autre, c'est tout simplement super!», tandis qu'un touriste français était au contraire «choqué pour les catholiques».